Fio n'a pas eu une enfance heureuse. Tout le monde autour d'elle a pris un soin particulier à mourir subitement. Son grand-père tsigane déporté dans un camp nazi, ses parents morts d'être séparés en prison, puis sa grand mère, brûlée dans sa caravane.



Ses parents s'étaient rencontrés au bout d'un canon de revolver. C'est un endroit romantique pour un coup de foudre. Sa maman ne s'appelait pas encore ainsi, elle se nommait Adèle. Adèle qui croyait en Dieu n'avait pas cru en son destin d'employée de bureau. L'école l'avait quittée à seize ans; on l'orienta vers un métier qui l'aimerait avec passion. Elle occupa sa place pendant trois ans, puis elle en eut assez de ses nuits d'amour avec des cachets, de ses amitiés avec la bière et de ses vêtements taillés pour montrer sa pauvreté. Son patron n'était pas bien méchant, il était ce qu'on s'attendait à ce qu'il soit, pas bien gentil; il s'adressait à ses employés comme s'ils étaient ses employés. La mère de Fio lui apprit qu'il se trompait. Il comprit la leçon, car il mourut, un stylo quatre couleurs enfoncé dans le cerveau. Adèle, constatant qu'elle avait des dons pour le professorat, continua à apprendre aux riches que les pauvres existent, et avec un grand souci d'éducation, allégea plusieurs banques de leur graisse aurifère par des séances de liposuccion de billets. La police lui reprocha de ne pas avoir de diplôme de professeur pour exercer son nouveau métier; elle la pourchassa pour ce manque d'éducation. C'est ainsi que le papa de Fio, qui ne s'appelait alors qu'Henri, rencontra Adèle.



Sans grande conviction Fio va s'enfoncer dans l'âge adulte. Pour gagner juste ce qu'il lui faut, elle trouve un stratagème. Envoyer des lettres de chantage au hasard et attendre que ceux qui ont quelques chose a se reprocher payent. Pour passer le temps, elle peint. Pas par passion, plutôt pour attendre. Mais ce désenchantement naïf va en faire une star du milieu artistique.


Avec "Comment je suis devenu stupide", Martin Page nous faisait découvrir son style unique, en contant l'histoire d'Antoine, jeune étudiant brillant, qui décide de mettre son sens de l'observation et de l'analyse au placard, pour mieux s'insérer dans la société. En contant l'histoire de Fio, l'auteur retrouve son verbe. Il joue avec la langue pour dresser un regard perçant sur la société, mêlant ironie acerbe et drôlerie absurde. Il décrit également un monde de l'art, entre cooptation et ignorance.


Une jubilation à lire. Un roman caustique, l'histoire d'une fille à part, par un auteur étrange.

Florent_L_
7
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le 22 sept. 2015

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Florent_L_

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