Marie Kondo confond tout (ou est très bête) - même si sa méthode peut être efficace.

Marie Kondo confond tout. Ou alors elle est très bête. N'allez pas dire "elle est japonaise", comme s'amuseraient à dire certains, sa nationalité expliquant un mode de pensée exotique au notre, composé de shintoïsme animiste, d'une rigueur traditionaliste et d'un extrémisme dans une activité (le rangement) plus communément vu chez certains otakus s'adonnant au cosplay ou aux jeux vidéos (des activités hautement recommandables).


Non. Marie Kondo confond tout. Une confusion (volontaire ?) qui lui a permis de vendre plusieurs millions d'exemplaires de cet ouvrage, d'en écrire un autre qui va probablement suivre le même chemin, et de fonder une société très florissante d'aide au rangement au Japon.


N'empêche : elle confond tout. Ou elle se berce d'illusions. Sa méthode de rangement est tout à fait censée : ne garder que les objets qui vous apportent de la joie, malgré la formulation "new age", est très raisonnable. Un intérieur qui ne comporte que des choses qui vous feront plaisir à leur simple vue, devrait faciliter votre vie et réduire votre stress, en effet.
Rassembler tous les objets d'une même catégorie (tous les vêtements, par exemple), en un seul immense tas à trier en une fois sur le principe "m'apporte-t-il de la joie ?" fonctionne, à n'en pas douter. Ranger ces mêmes objets d'une même catégorie à un endroit unique, organisé avec soin et simplicité, vous facilitera la vie dans l'usage et le rangement de ces objets, facilitant un environnement clair sur le mode "chaque chose à sa place, et vas-y tout de suite, ce sera ça de fait".


La méthode et ses conséquences sont efficaces à n'en pas douter, il faut juste s'y atteler une bonne fois, sur un temps assez court comme elle le recommande. Et par conséquence, oui, j'imagine qu'un rangement radical comme elle le propose peut entraîner des changements d'importance chez ses clients - ou les lecteurs de son livre, changement allant de la réduction de stress à un nouveau plan de carrière en passant par la perte de poids.


Alors pourquoi dis-je qu'elle confond tout ? Parce qu'elle confond cause et moyen. Toute la méthode KonMari (ne garder que les objets qui procurent de la joie, jeter tout le reste - parfois jusqu'à 200 sacs poubelles de 50 l, le tout sur un temps très court - une à deux journées), se fonde sur une succession de chocs psychologiques. Pourquoi pas ? C'est l'essence du zen de reconnaître qu'il y a un temps pour chaque chose, que chacun a besoin de peu et qu'une sélection rigoureuse permet d'aller à l'essentiel - Okakura Kazuko l'écrit parfaitement dans son classique, "Le livre du thé". Effectuer cette sélection dans un intérieur moderne, à l'ère de la consommation galopante, implique de se séparer de beaucoup de choses inutiles. Le faire sur un temps très court génère logiquement beaucoup de stress - et pourquoi pas du bon stress. Réorganiser le soir même ou le lendemain l'intérieur pour qu'il héberge cette sélection provoque tout aussi sûrement un dépaysement important. Puisque les gens qui se sont livrés à cet exercice sont volontaires, la satisfaction s'exprime instantanément. Ce doit être formidablement gratifiant mais épuisant, comme après avoir couru un marathon au milieu d'un champ de mines émotionnelles (Kondo parle elle-même de la honte qu'elle a ressentie quand elle a jeté certaines acquisitions qui ne lui procuraient plus de joie, par exemple).
Bref, toute cette "magie" dont l'auteur nous parle a des raisons tout à fait explicables et rationnelles (épuisement physique et moral suite à l'exercice tout aussi physique et psychologique de sélection, euphorie de la réussite et de la découverte du tas à jeter et du "nouvel" intérieur). Pourquoi ne pas les invoquer ? Pourquoi rester dans un gloubiboulga basé sur "l'élimination des toxines accumulées durant des années", sur "la brise légère" qui parcourt désormais la maison, sur "l'énergie des objets jetés qui reviendra sous la forme d'un autre objet précieux, d'une relation heureuse, ou d'un événement agréable" ? (Ces notions entre guillemets ne sont pas des citations exactes, mais sont abordées dans le livre avec beaucoup d'insistance et à de nombreuses reprises.)
Avec un brin de rationalisme, la Magie du Rangement est soit une escroquerie, soit franchement une douleur à lire (voire les deux). Je passe sur les considérations sexistes (où une femme ne saurait porter de pyjama autre qu'une jolie nuisette pour dormir, au risque de fusionner avec son jogging - et c'est la moins alarmante), ou racistes (les généralisations sur le ressenti de tout un peuple sur tel ou tel comportement).


La Méthode KonMari est sans doute efficace, mais son livre nécessite d'appliquer ses principes durant sa lecture-même : faites beaucoup de tri, et jetez sans remords. Une sorte d'inception du tri, comme l'a très justement dit une amie.


Sur ce, je vais relire les Choses, de Perec.

FrédéricMeurin
3

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le 6 sept. 2016

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