Que retenir de La maison des feuilles ?


Roman à la forme plus qu'originale, La maison des feuilles donne envie de le lire dès qu'on l'a feuilleté.
Principal problème : on est finalement moins enthousiaste en le refermant après l'avoir lu.


La maison des feuilles c'est un roman qui parle d'un mec (J. Errand) qui écrit un bouquin à partir de feuillets trouvés chez un vieux (Zampano) qui écrivait un essai sur un film (Le Navidson record).
Tout ça est un peu mélangé dans tout les sens (sic!) mais on aide le lecteur en changeant de police de caractère pour savoir qui parle.


Le principal intérêt de La maison des feuilles c'est l'essai de Zampano sur Le Navidson record (c'est à dire la partie centrale du bouquin). Le Navidson record en lui même ferait tout au mieux un film d'horreur en found footage correct, mais c'est à travers l'essai écrit par Zampano qu'il gagne en puissance. Alors que le film se base juste sur une idée (il est vrai géniale) de maison plus grande à l’intérieur qu'à l’extérieur, le suspense monte réellement grâce aux incessantes digressions érudites de Zampano (et vas y que je te parle de l'écho, et vas y que je te liste 200 films documentaires (doublon spotted !), et que je te fais un peu de psychologie familiale). Danielewski nous emporte dans un flot de références plus ou moins vraies quitte à perdre le lecteur qui du coup à lui aussi l'impression de descendre un escalier en spirale infini en lisant ce bouquin.
Malheureusement, par moment, Danielewski (aka Zampano) ne peut s'empêcher de repasser sur un ton narratif qui lui va franchement mal (maitrise du suspense nulle, style mauvais), ce dont il s'accuse lui même dans une note, mais ce qui ne l’arrête pas pour autant.


Le livre se prête à un deuxième fil narratif à travers les notes en bas de page de J Errand. C'est là qu'il devient difficile de savoir si Danielewski est réellement mauvais écrivain ou s'il se cache derrière le profil d'un mec qui ne saurait pas écrire pour camoufler son absence de style. Mauvaise parodie en mode BEE (drogue+sexe+jeunesse perdue), les notes sont gonflantes, et je ne vois vraiment pas ce qu'elles apportent au bouquin.


Quand à la forme, Danielewski n'a ni inventé les notes de bas de page ultra longues, ni les calligrammes. Les pages quasi-vides sont finalement plus bienvenues car elles donnent l'impression de progresser un peu dans notre lecture que pour leur réel intérêt formel.


Bien que certains aspects soient très réussis (l'histoire fantastique, l'imitation du style universitaire), je dois dire que le tout me laisse à la fois une impression de 'trop' et de 'pas assez'. Trop de forme pour cacher, non une absence de fond (car le roman est volontairement creux), mais une absence de style qui rend le roman assez fastidieux à lire par moments.
Contrairement à d'autres, ce n'est pas la double page de noms de photographes qui m'a larguée (au contraire, ces passages sont assez excellents dans l'exagération), mais plutôt les moments ou Danielewski revient à une narration conventionnelle fade, dans certains passages de Zampano ou dans les notes de J Errand.


Donc si je me devais de me faire ma propre version de La maison des feuilles, je couperais un étage de mise en abyme et réduirais tout ça à un faux-essai (équivalent du Mockumentary pour le cinéma) écrit par Zampano sur le Navidson record, en ne gardant que le style descriptif universitaire (et en virant ces passages narratifs à 2 sous). Plus court, plus efficace, plus vrai.


Sinon, étonnant qu'on ait pas encore eu le droit à la critique qui prend la forme du propos, ou à celle qui interviewerait des personnalités pour savoir ce qu'elles en ont pensé. ultimate-meta

yhi
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le 11 oct. 2015

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