La Prisonnière
8.6
La Prisonnière

livre de Marcel Proust (1923)

Dans les épisodes précédents : le narrateur réalise que l'homosexualité l'entoure de plus en plus, entre Charlus, Morel, la sœur de Bloch et son amie, etc. Il en déduit donc que sa compagne Albertine est gomorrhéenne, suite à une réflexion du docteur Cottard. Pour empêcher les rencontres saphiques de la jeune fille, il décide donc de la faire vivre à ses côtés à Paris.

C'est donc quelques temps après la décision de vie commune à Paris que La Prisonnière commence. Comme depuis le début de sa liaison avec Albertine, le narrateur ne sait où il en est de ses sentiments pour elle. Il affirme sans cesse ne pas l'aimer (ça fait déjà trois bouquins, de quoi gaver les moins persévérants dans la Recherche) mais il lui voue une obsession sans borne. Interrogatoires, surveillances, manipulations pour l'empêcher de fréquenter certaines femmes, tout est permis pour se rassurer et pour l'enchaîner. La Prisonnière fait donc de ce paradoxe un thème central et a de quoi nous faire revoir la définition des relations amoureuses : est-on vraiment amoureux de l'autre ou ne cherche-t-on pas uniquement à le posséder ? That is a question, comme le disait William cinq siècles plus tôt.

Proust s'autorise toutefois une grosse digression avec une scène... mondaine, pour changer. Mais cela se passe lors des soirées du clan Verdurin, donc ça va. Les crises de Verdurin époux contre Saniette, les manigances de sa femme, tout cela fait le sel de ses scènes et aère le bouquin.

Car si Sodome et Gomorrhe savait doser entre relations amoureuses et/ou homosexuelles et soirées mondaines, ce n'est pas tant le cas ici. La relation entre le narrateur et Albertine y est mentionnée en long, en large et en travers, au point que la fin du livre dérive vers la dissertation. Typiquement proustien, me direz-vous. Certes, mais cela devient excessif à certains moments, comme quand le narrateur discute littérature avec Albertine (ce qui plaira sûrement à ceux qui ont lu les livres en question, et encore, mais assommera très facilement les autres). Les dernières pages sont particulièrement difficiles à cause de cela, même si la fin est magnifiquement écrite.

On retrouve dans La Prisonnière ce qui était si excellent dans Sodome et Gomorrhe, à savoir une vision plutôt fine des relations et les Verdurin (of course). Mais je mettrai un petit bémol sur la fin (hormis les toutes dernières pages) qui sont chiantes pour le coup. Je vais finir quand même sur une note positive, parce que La Prisonnière la mérite : jamais relation entre un homme et une femme n'aura été si bien retranscrite dans toute sa complexité.
Nolwenn-Allison
8
Écrit par

Créée

le 16 mars 2014

Critique lue 469 fois

3 j'aime

Nolwenn-Allison

Écrit par

Critique lue 469 fois

3

D'autres avis sur La Prisonnière

La Prisonnière
SanFelice
10

L'autre Comédie Humaine

Après deux volumes dédiés aux rapports mondains (Le Côté de Guermantes, pour le moment la partie que j'aime le moins dans la Recherche, et Sodome et Gomorrhe, où on côtoie surtout le salon des...

le 10 mai 2017

29 j'aime

8

La Prisonnière
Nomenale
8

"J'appelle ici amour une torture réciproque"

Si Proust a l’habitude de nous parler des chambres, rarement il nous aura autant confinés à une ou deux pièces. Après le bol d’air de Balbec, les nombreuses promenades et visites présentes dans...

le 1 juil. 2014

14 j'aime

La Prisonnière
Plume231
8

La jalousie !!!

Il faudrait choisir de cesser de souffrir ou de cesser d'aimer. Car, ainsi qu'au début il est formé par le désir, l'amour n'est entretenu plus tard que par l'anxiété douloureuse. On dit une...

le 25 juil. 2017

10 j'aime

7

Du même critique

House of Cards
Nolwenn-Allison
9

I have no patience for useless things...

...Et cette série est bien loin d'être une perte de temps, étant donné ce que les 13 épisodes de la 1ère saison nous offrent ! Que ce soit la mise en scène, les relations entre les personnages ou la...

le 4 juin 2013

77 j'aime

18

Rectify
Nolwenn-Allison
9

Comment faire une série sublime en 6 épisodes

Rectify, c'est l'histoire d'un type, Daniel Holden, accusé et condamné pour le viol et le meurtre de sa petite amie. Emprisonné à 18 ans, il n'est relâché que 19 ans plus tard. Et ce laps de temps...

le 14 août 2013

65 j'aime

4

Vice-versa
Nolwenn-Allison
10

Bonjour Tristesse

Tout comme Riley et les autres personnages de Vice Versa, j'ai des émotions qui règnent en maître dans ma tête. Et Pixar, en veule studio qu'il est, les flatte sans cesse, ce depuis mon tout jeune...

le 29 juin 2015

48 j'aime

7