Dieu m'a donné mes gages parce que j'ai donné ma servante à mon époux

Il est délicat de se lancer dans la fiche de lecture d'un roman tant et tant commenté et critiqué. Margaret Atwood a le vent en poupe en France depuis l'adaptation en série de Captives et The Handmaid's Tale. Je n'ai regardé que 4 épisodes de la Servante Écarlate, pour le moment je préfère la structure du roman. En revanche, l'ambiance de la série retranscrit très bien l'univers de Gilead avec une touche de contemporanéité puisque le roman a été publié en 1984.


Voici ce que j'ai pu lire à propos de La servante écarlate :
- Une dystopie féministe
- Une lecture difficile car alternant passé et présent sans transition
- Un chef d'oeuvre qui s'apparente au 1984 d'Orwell


L'un des mérites d'Atwood, mais aussi de la série, est je crois, d'avoir dirigé un grand nombre de lecteurs vers le genre dystopique. Après avoir lu La servante écarlate on peut aisément découvrir Robert Malevil ou Barjavel par exemple. Le style Atwood est effectivement déstabilisant, de prime abord. Elle passe en effet du passé au présent sans aucune transition, seul le changement de paragraphe indiquant qu'elle parle du passé de Defred. Ce sont donc les personnages qui permettent à Atwood de construire une frontière : certains d'entre eux ont leur place dans le passé seulement ou bien dans les pensées présentes de Defred.


Lorsque Defred évoque son expérience elle se souvient de plusieurs périodes de son passé. Ce sont ces souvenirs qui aident le lecteur a comprendre comment la république de Gilead a vu le jour et pourquoi Defred est devenue une servante écarlate. La seule liberté de Drefed réside dans ses pensées, c'est là qu'elle s'évade et qu'Atwood nous entraîne. Mais son embrigadement est tel qu'elle cherche parfois par elle-même à censurer ses pensées.


"La lune est une pierre et le ciel est plein de quincaillerie meurtrière, mais pourtant, mon Dieu, comme c'est beau"*


Je ne crois pas que La servante écarlate soit une dystopie féministe si l'on évoque le régime de Gilead. Margaret Atwood l'admet elle-même en note de fin, Gilead fonctionne de manière pyramidale, ce sont ceux qui sont au sommet de la pyramide qu'ils soient homme ou femme, qui ont le pouvoir. L'ambiance générale qui entoure la vie de Defred est elle, en revanche, teintée d'un féminisme latent, naturel et en voie d'extinction.


"Je suis une réfugiée du passé - Comme un Russe blanc qui boit du thé à Paris"*


De nombreux résumés et commentaires sur le roman évoquent la crainte de voir ce type de dictature s'installer dans nos sociétés. Je me garderai bien de m'étendre sur le sujet dans le contexte "agité" qui suit les affaires "balance ton porc". Mon petit commentaire se limitera à ce rapprochement que j'ai fait en entendant à la radio une femme se plaindre "lorsqu'un homme m'ouvre une porte j'ai la sensation d'être un utérus sur pattes"....Conseil lecture pour cette madame : La servante écarlate. Le contexte féministe des années 1984 m'a peut être paru trop éloigné pour que je craigne le pire en matière de natalité notamment. Le passage qui m'a cependant frappé correspond au moment où les droits des femmes tombent les uns après les autres. Que m'arrivera-t-il si mon argent ne m'appartient plus ? Si un beau jour je ne suis plus autorisée à travailler et que les hommes sont seuls à décider de l'étendue de mes libertés...


"Et Léa dit : Dieu m'a donné mes gages parce que j'ai donné ma servante à mon époux"*
Plus qu'une dystopie féministe, La servante écarlate est une critique virulente des religions. Atwood ne nomme jamais clairement le mouvement spirituel que représente la république de Gilead, en revanche elle cite à plusieurs reprises ses opposants, les Quakers. Or ces derniers existent réellement et revendiquent toujours aujourd'hui le caractère intime, libre et personnel de la croyance...on comprend mieux pourquoi ce sont eux qui aident Moira à se cacher des "Tantes". Ce que semble dénoncer Margaret Atwood au travers de la république de Gilead c'est l'hypocrisie des religions. Car sous couvert de rigueur naissent naturellement les pires subversions : des bars à prostitués, un marché noir, les livres, le Scrabble, le latin.


Le paroxysme de cette dystopie tient bien sûr dans sa fin. Le dernier chapitre qui relate les aventures de Defred est troublant, on peine à croire que c'est la fin. Alors on tourne une autre page pour parvenir à Notes historiques sur Le Conte de la Servante écarlate....Tout s'éclaire ainsi : la structure romanesque d'Atwood, l'époque, la république et ses conséquences sur le futur. Ce dernier chapitre est une idée prodigieuse, l'image qui me vient est celle de scientifiques penchés avec leur loupe sur la petite et puissante république de Gilead....


*Pages 165, 379, 154.
Publication en France chez Robert Laffont - 1987

Dadou-lit
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le 5 févr. 2018

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