Ce livre se compose en fait de deux romans de 300 pages, La Tour de guet et Les Danseurs d'Arun, ce dernier prenant place quatre générations plus tard. L'usuelle dithyrambe de la quatrième de couverture évoque une saga « servie par une écriture flamboyante » que le lecteur aura peine à trouver. Car les phrases très courtes et platement descriptives de Lynn peuvent recevoir à peu près n'importe quel qualificatif (par exemple « lapidaire » ou « basique ») sauf, justement, « flamboyant ».


Cette même quatrième de couverture cite Marion Zimmer Bradley, une grande dame de la fantasy et de la science-fiction (ce que Elizabeth A. Lynn ne sera vraisemblablement jamais). Elle dit que Tornor est « un merveilleux mélange de fantasy et de réalisme ». J'ignore combien on a dû la payer pour ça, mais le fait est que Tornor est bien un mélange de fantasy et de réalisme (j'ai dû passer à côté du merveilleux) ; mais un réalisme qui frise joliment les pâquerettes. Permettons-nous une comparaison avec le cycle des Princes d'Ambre, de Zelazny, un mètre-étalon en termes de fantasy « réaliste ». Dans une scène, le héros Corwin, que tout le monde croyait mort, se livre à une beuverie dans son cénotaphe et urine sur ce dernier. On peut voir dans ce geste tout l'anticonformisme du personnage, sa manie de ne rien respecter, ainsi que l'opinion qu'il se fait de sa famille si prompte à l'enterrer. Dans Tornor, quand un personnage va faire un petit pipi, c'est juste qu'il en a envie. Du coup, il va dans les buissons, il défait son pantalon, il fait son petit pipi, il se reboutonne et il repart. Ça n'apporte absolument rien, ça n'a aucun intérêt, sinon de meubler les vides d'un canevas bien creux.


Les intrigues sont en effet fort convenues. La Tour de guet est un roman bien conventionnel, au dénouement prévisible à cent pas, notamment grâce aux indices aussi discrets qu'un éléphant dans un couloir semés par Lynn : un personnage en appelle un autre « sœur », sans que personne ne moufte, et cent pages plus loin, coup de théâtre, les deux personnages sont bel et bien frère et sœur. Incroyable. Et dire que ça a gagné un World Fantasy Award ! La deuxième partie du livre, Les Danseurs d'Arun, est à peu près aussi longue, mais se révèle un peu supérieure, en proposant des personnages moins creux, une intrigue moins cousue de fil blanc, et des éléments un peu plus originaux.


Elizabeth A. Lynn est surtout connue pour avoir été la première (ou l'une des premières) à avoir intégré des personnages homosexuels dans des œuvres de fantasy. Mais ce fait, qui pouvait surprendre, voire choquer, en 1979, laissera de marbre le lecteur trois décennies plus tard, qui pourra même être relativement agacé par le climat nécessairement tendu qui semble devoir se dessiner entre un certain nombre de personnages masculins. Si le deuxième roman se révèle en fin de compte assez malsain, c'est bien en incluant une relation homosexuelle, certes, mais surtout purement incestueuse.


Largement dispensable, en fin de compte, à moins d'avoir une passion pour les personnages homos. Et encore.

Tídwald
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le 31 mai 2014

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