L'adolescence contre les ombres

C’est une jeune fille qui a à peine atteint la dizaine d’années, elle vit dans une maison d’un petit lotissement qui est remplie de fantômes, de monstres, de sa famille, certains même un peu de tout ça. La mère est absente, elle glisse sous les remarques et les coups du père, un chasseur buté. Ce dernier possède une salle rien que pour ses trophées, des animaux morts, un espace qui crée un effet assez important dans les personnalités des deux enfants, la narratrice, et Gilles, son petit frère.

Leur enfance n’est pas facile, mais ils arrivent toujours à trouver une manière de jouer, de s’amuser ensemble. Et puis il y a un accident avec le livreur de glace, saugrenu mais tragique. Gilles s’enferme dans une noirceur qui va inquiéter sa sœur car elle va aller de pire en pire. Le père va utiliser ces pensées sombres pour le dresser à son image. La narratrice va donc décider de trouver un moyen de revenir dans le temps, une chimère peut-être.

Le roman peut apparaître cruel, en nous racontant l’histoire de cette jeune femme, dont on perçoit bien qu’elle ne pourra pas remonter le temps mais qui va s’accrocher à ce but. On veut malgré tout y croire. Le lecteur suit avec elle son évolution, pour surmonter les difficultés et dissiper le brouillard malsain de ce foyer familial qui risque de la transformer elle et son frère. Comme tout bon roman initiatique auquel le livre pourrait être rattaché, elle changera, et nous serons à ses côtés.

Le livre est porté par une écriture simple, mais ponctuée de différentes trouvailles de vocabulaire, le style est assez visuel. Mais il est aussi ironique, tendre et inquiétant, dans un certain méli-mélo de sentiments.

La lecture peut être un peu dure, mais elle ne s’éternise jamais dans le drame. Le roman mise plus sur la peur, sur l’angoisse de ce qui pourra arriver. Et malgré tout l’espoir est toujours présent, bien que fragile. Malgré la lâcheté des sentiments humains, le livre garde une certaine lumière, elle est légère, mais elle tient grâce à l’espoir du personnage principal. Elle va grandir, se découvrir, et apprendre, pour pouvoir sauver la situation.

Adeline Dieudonné est née en 1982. Dramaturge et nouvelliste, elle a remporté grâce à sa première nouvelle, Amarula, le Grand Prix du concours de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle a publié une nouvelle, Seule dans le noir aux éditions Lamiroy, et une pièce de théâtre, Bonobo Moussaka, en 2017. La Vraie Vie est son premier roman.

C’est un des romans qui ont fait l’actualité de la Rentrée littéraire 2018, la Grande librairie la qualifié de meilleur premier roman de cette année. Il y a donc le risque d’être déçu avec de telles louanges, le livre souffrant de certains défauts. Il y a une certaine simplicité dans l’écriture qui pourra décevoir les amateurs de la grande littérature, des amateurs de belles phrases. Mais pour ceux qui apprécient les destins de personnages, dans la grande diversité des sentiments humains, avec ce qu’il faut d’intensité romanesque, La Vraie Vie nous emporte.