Parmi toutes les choses qui relèvent de l'intime, la foi est celle qu'on évoque le plus difficilement. Cependant, cette relation personnelle avec son créateur peut parfois devenir conflictuelle. Quand le rite prend le pas sur la croyance, le lien est dénaturé et nait alors le doute. Pour le héros de Shalom Auslander, ce sera même la défiance qui va surgir.

En faisant une ségolènerie, on pourra s'interroger longuement sur la « judéitude ». De Woody Allen à Philip Roth, pour nombre de personne les relations étranges qu'entretiennent un certains nombre d'artistes juifs avec leur foi seront un mystère incompréhensible. Il n'y a rien de plus désagréable que la perplexité.

Et Shalom Auslander est apparu. Il nous présente dans « La lamentation du prépuce » ses souvenirs, romancés et délirants. Alors que son épouse lui annonce qu'il va être père, Shalom est terrorisé à l'idée de faire circoncire son fils à naître. Pour lui, ce serait injuste de placer son enfant sous le regard d'un Dieu qui n'a fait que le contrarier. Tout cela a commencé alors que Shalom était lui-même enfant.

Sans trop en faire sur l'image classique de la mère juive – mais il en fait quand même -, il s'attaque plutôt à son père. Un homme qu'on qualifiera de bourru et qui inspire à Shalom une grande terreur. Alors quand il décide qu'il serait mieux qu'il disparaisse, Shalom décide de devenir un serial-pécheur. Tous les interdits de sa foi, il va s'appliquer à les transgresser, non sans craindre un sérieux coup de boomerang en retour.

Nous assistons en parallèle à l'évolution de la grossesse et à l'enfance, l'adolescence et la vie de jeune adulte de Shalom. Petit bijou d'humour, il pose quand même les questions auxquelles il se garde de prendre part. La vie n'est pas drôle quand on est juif semi-orthodoxe à New York. La sensation d'être de sa communauté avant d'être ordinaire est lancinante sans pour autant être plus qu'une évocation.

De même, l'auteur sera confronté à la violence quand, quelques années plus tard, il apprendra les attentats et éprouvera la peur alors qu'il étudiera en Israël. Mais la rédemption ne sera pas au rendez-vous car sa défiance reprendra le dessus et l'amènera de nouveau aux USA où il coupera les ponts d'avec sa famille si encombrante à ses yeux, mais sa famille quand même. Beaucoup d'humour et des questions, une découverte passionnante à faire. Un regard à poser différemment pour voir et comprendre ce qu'on ne fait qu'imaginer et travestir. Une lecture si agréable.
Bobkill
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le 8 nov. 2010

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