Les enfants de la terre - tome 1

J'ai toujours été fasciné par cette période lointaine, la préhistoire, dont on ne connait que quelques bouts d'os ou de silex et à partir desquels des savants anthropologues tentent d'échafauder des théories sur ce qui a pu être, sur ce que l'homme a pu faire pour nous amener peu à peu à notre situation actuelle.

Jean Auel n'est pas, à proprement parler, une anthropologue mais s'est appuyée sur une immense documentation, a rencontré plusieurs savants pour bâtir un cycle de romans "les enfants de la terre" qui se passent à environ -35000 ans avant notre ère où le monde se partageait entre des hommes dits de Néanderthal et des hommes dits de Cro-Magnon. Les premiers sont une branche de l'humanité plutôt en voie d'extinction tandis que les seconds sont en expansion et sont les ancêtres directs des homme actuels.

Le livre que je possède est préfacé par un certain Jean-Philippe Rigaud qui reconnait dans le travail de Jean Auel, un travail d'imagination, à partir de l'état de nos connaissances, pertinent et possible.
"Il n'y avait pas, dans tout le récit, la faute qui aurait donné au Préhistorien l'argument d'une "lettre à l'auteur" développant tel point de chronologie ou de paléontologie".

Le cycle des "enfants de la terre" est composé de 6 épais romans dont le premier est "le Clan de l'Ours des cavernes", objet de cette critique.
Au début, je crois que Jean Auel n'était pas convaincue du succès qu'aurait ses romans. Aussi, les trois premiers tomes sont "auto-portants". Sans viser la logique d'une saga où il faut avoir tout lu pour avoir le fin mot de l'histoire.
Devant le succès planétaire de ces romans, Jean Auel a élaboré les deux suivants. Au final on a bien une saga mais elle n'a pas été construite dans ce but.

Honnêtement, à mon avis, il suffit de lire les trois premiers pour se faire une bonne opinion complète sur l'œuvre. Les trois derniers tomes sont nettement moins intéressants car il y a beaucoup de redites.
Pour ce que je me propose de faire sur SC, ce sera de commenter uniquement les trois premiers tomes qui, eux, sont absolument passionnants.

Revenons à l'histoire du Clan de l'Ours des Cavernes en quelques mots :
Une petite fille de 5 ans du genre humain Cro-Magnon, dont le nom est Ayla, se retrouve isolée, orpheline et gravement blessée des suites d'un tremblement de terre et est recueillie par une horde d'êtres humains du genre Néandertal.

Le roman se focalise sur cette tribu néandertalienne qu'on appelle le Clan qui ignore et évite de rencontrer l'autre sorte d'homme appelée "les Autres".

L'assimilation est difficile et délicate entre Ayla et les personnes du Clan dont la morphologie, le langage, les coutumes et les croyances sont supposés fondamentalement différents de ceux des autres.
La petite fille va grandir, s'adapter, devenir guérisseuse, s'affronter avec certains membres du Clan qui veulent la rejeter au motif (éternel) de la différence (insupportable).

A travers les aventures vécues par la petite fille, on découvre diverses problématiques comme la condition de la femme, l'assimilation, la tolérance, l'acceptation de la différence.
Le roman baigne dans une atmosphère "religieuse" de croyance et de crainte associée en des êtres supérieurs qui sont les totems qui sont attribués à chaque être humain, qui sont des figures tutélaires correspondants à des animaux : le lion, l'ours, le castor, etc …

Le style de Auel est le style du conteur dont on ne se lasse pas d'écouter les belles et parfois terrifiantes histoires. Le personnage d'Ayla est (évidemment) d'une très haute et très belle valeur humaine et morale qui dégage constamment des ondes positives qui ne cesseront de se développer ultérieurement.

L'impression que donne la lecture du roman c'est que les personnages sont plausibles et crédibles. Plausibles parce que ça parait logique que ça ait pu commencer comme ça pour arriver des milliers d'années plus tard à quelque chose de plus construit, plus élaboré.
Par exemple, les gens ne savent pas compter bien qu'ils aient l'idée du nombre par comparaison avec les doigts de la main.
Par exemple aussi, la filiation est d'abord matriarcale même s'il y a une notion de foyer avec un homme et une femme. Il n'y a pas de relation évidente, explicite de filiation paternelle puisqu'un acte sexuel n'aboutit pas forcément à une naissance et qu'un acte sexuel relève d'un besoin physique pas forcément lié au foyer. La croyance correspondant à la fécondation s'établit au niveau d'une lutte entre les totems de l'homme et de la femme. Il faut que le totem de l'homme parvienne à vaincre le totem de la femme pour qu'il y ait procréation. On est donc dans quelque chose de spirituel et non physique.

Ce premier roman est passionnant. Mais ce n'est que l'hors d'œuvre. Les deux romans suivants le sont encore plus car entrent en scène "les Autres" (les hommes de Cro-Magnon), ceux de la famille humaine d'Ayla …