C'est probablement avec les meilleures intentions du monde que Georges-Marc Benamou nous offre le Fantôme de Munich en 2008, un livre sur la fameuse conférence qui a vu la mise à mort de la Tchécoslovaquie. L'intention est louable et la scénarisation intéressante.
En 1968, Daladier a 84 ans, une jeune journaliste américaine vient le voir pour se renseigner sur les accords de Munich qui vont fêter leurs 30 ans. Bien que refusant dans un premiers temps, Daladier lui ouvre sa mémoire et lui raconte tout. Nous avons le récit de cette journée racontée non par Daladier, mais par la journaliste qui réécris les dires de l'ancien président. Le tout ponctué de conversation entre les deux personnages et des lettres de Neville Chamberlain à sa sœur.
Si le scénario est donc bon et que l'idée est audacieuse je me permet de dire immédiatement qu'en matière de style Georges-Marc Benamou n'est pas au top. On pourra regretter l'aspect prévisible de son écriture, parfois trop simpliste voir trop imagé qui finalement, surprend assez peu le lecteur qui s'habitue rapidement au style. Nous évitons cependant le langage trop simple ou trop complexe ou la déconnexion émotionnelle. Au contraire, on a même parfois envie de vomir son coeur tant il en ajoute parfois tellement sur l'envie d'être ailleurs des protagonistes, et qu'il passe de longues minutes à nous expliquer ce besoin de solitude des personnages, mais bon ...

Le paris de Benamou est osé. N'ayons pas peur de le dire : il est même condamné à échouer et c'est donc avec les meilleurs sentiments que je juge cet échec. En effet, Benamou va essayer de nous parler d'un évènement dont nous n'avons presque rien gardé, la conférence à proprement parler, est ignorée. Nous ne savons pas ce qu'ils se sont réellement dit et ce qui s'est déroulé là-bas. Nous ne connaissons que quelques détails et le résultat final.
Pourtant, Benamou nous amène dans la France de 1938, il nous fait sentir comment la guerre est proche, tous la redoute et nous, nous savons qu'elle va avoir lieu. Il nous montre, nous fait sentir l'aspect dramatique de la chose. Il nous permet de voir l'échec de Daladier et Chamberlain et à quel point Munich fut un évènement anti-républicain, à quel point la Tchécoslovaquie a été traitée sans respect dans cette affaire.
Pourtant dans le même temps, le regard qui est porté est celui de Benamou, celui de l'homme qui sait que la guerre va avoir lieu, qu'elle est inévitable car aujourd'hui elle a lieu. Du coup, la naïveté de Chamberlain le rend lâche au yeux du lecteur, le courage de Daladier ne convent qu'à moitié tant il semblera inactif après. Les personnalités des dictateurs semblent bien mal exploitées également, Hitler est tellement stéréotypé, mais peut on ne pas stéréotyper Hitler ? Comment peindre Mussolini ? Comment mettre en place des dizaines de nazies ?
Pourtant, malgré le fait que par moments, certains personnages manquent de réalisme, le Fantôme de Munich envoute le lecteur. Il l'invite à un moment décisif de l'histoire. On sait comment cela va se terminer et pourtant on espère, on veut le lire, on cherche à comprendre désespéramment comme Daladier cherchera à refaire l'Histoire.

Mais surtout, la force du Fantôme de Munich c'est son énorme documentation, au-delà des personnages c'est des faits précis, vis à vis de l'armée et des antagonistes qu'on a. Si dans la Conférence on peut douter de la réalité, pour le reste, on sait que c'est vrais. On comprend donc mieux la période qui a vu venir la Seconde Guerre Mondiale. On découvre des choses, on apprend, on se cultive. Et on en sort avec l'envie de se documenter sur tous les personnages du roman. Rien que pour cela, ce livre vaut la peine d'être lu.
mavhoc
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le 24 sept. 2013

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