Le Guide du voyageur galactique - H2G2, tome 1 par Arbuste
Une petite merveille d'absurdité et de folie, et encore ! On n'est qu'aux prémices de ce dont Adams accouchera plus tard. C'est même quasiment le plus cohérent de tous les opus que forme sa trilogie en cinq volumes.
J'ai une relation très ambiguë avec cette oeuvre.
Bien sûr, H2G2 est drôle, pourvu qu'on accroche à son humour. Il est souvent même très drôle, grâce probablement à l'absolue liberté dont a bénéficié son auteur, et au caractère complètement imprévu de l'histoire, qui s'écrivait au fil des semaines. Parfois, c'en est même trop : cette orgie de situations débiles, cette grandiloquence du style qui part en vrille pour n'importe quoi, provoque parfois une sorte d'indigestion au lecteur et il convient selon moi de ne goûter à l'oeuvre que par sessions limitées. Mais c'est pour mieux savourer les nombreux passages qui ont su rester cultes par leur originalité, leur fraîcheur et parfois leur étonnante spontanéité, grâce à une narration toujours très fluide. En plus des idées et passages très populaires même chez ceux qui n'ont jamais touché au livre (42, la serviette, "Don't panic", le cachalot et le pot de fleurs, les souris...), j'affectionne particulièrement le moment où le sauvetage d'Arthur et Ford est tellement improbable qu'il aura effectivement lieu, ou le chapitre excellent de "pause" où Adams part en délire complet sur une phrase que prononce Arthur et qui, propulsée à l'autre bout de l'univers par un trou de ver, provoque une guerre ethnique aboutissant sur l'invasion ratée de la Terre et l'annihilation de tout un peuple. Ça donne le ton.
Donc, H2G2 est drôle.
Mais outre cet humour explosif, H2G2 est aussi une oeuvre qui me met profondément mal à l'aise. En effet, il n'y a pas que l'humour qui est absurde dans H2G2, il y a aussi... Tout le reste. De la plus petite décision au sens absolu de la vie (42), rien n'a ni queue ni tête.
Tout y est rétréci, avili, à l'image probablement de ce qu'Adams considère par certains côtés comme étant la race humaine. L'oeuvre est censée faire découvrir d'autres mondes au lecteur, l'ouvrir à l'immensité de l'espace, et c'est ce qui arrive, seulement pour qu'on comprenne au final que c'est partout pareil et que l'univers n'a rien de bien folichon : partout, on se heurte au même schéma étriqué de l'être vivant qui naît, lutte pour survivre, se reproduit et meurt sans que cela n'ait finalement aucune espèce d'importance ou d'intérêt.
Bref, H2G2 est l'ouvrage nihiliste d'un homme blasé par l'absurdité de la vie et de ce qu'en fait la race humaine. Et du coup, c'est hilarant.