Le Nain
7.5
Le Nain

livre de Pär Lagerkvist ()

"[...] ce que je fus forcé de voir me remplit à la fois de sombre exaltation et du sentiment de la vanité des choses, de l'écroulement de tout." Ainsi parle le Nain, personnage principal et narrateur du roman phare de Pär Lagerkvist, écrivain suédois récipiendaire du prix Nobel de littérature.


Quattrocento, quelque part en Italie, dans une puissante cité que l'on peut se risquer à assimiler à Milan ou à Florence. Un Prince y règne, protégeant les arts, stimulant les sciences, glorifiant la foi, portant la guerre chez son voisin, l'ennemi séculaire, et tenant brillamment sa Cour. Au coeur de celle-ci, un homme, ou plutôt un demi-homme, un nain ; quoiqu'à la réflexion on ne puisse pas le considérer comme tel. Parlons donc plutôt d'une créature, lui-même ne souhaitant pas être autre chose.


Le récit du Nain est d'abord une description minutieuse du quotidien de la Cour et l'immersion dans la Renaissance italienne si magnifiée aujourd'hui fait appel à tous nos sens. Toucher, odorat, goût, ouïe, vue, aucun n'est épargné. De l'observation, la narration glisse subrepticement à l'analyse. Le Nain, figure de la servitude et de la fidélité, peu porté au jugement, va développer un esprit de plus en plus critique vis-à-vis de son environnement et de son maître. Son point de vue peut alors se résumer par la citation dont je me suis servie pour introduire cet avis. D'un naturel cruel et misanthrope, il va assister à la chute des grands et témoigner de la vacuité des ambitions humaines. La guerre, la famine, le déshonneur, la maladie, la folie et l'hypocrisie seront de plus de poids que la spiritualité, l'amour, le génie et la philosophie.


Bien qu'il soit dur dans le ton ce récit se lit avec une facilité déconcertante. Le Nain, dans ses notes, est lapidaire et va à l'essentiel. Sa froideur et son indifférence face aux maux de son siècle peuvent déstabiliser le lecteur mais elles ne peuvent gâter le plaisir morbidement fascinant de cet incroyable voyage dans le temps. Si "Le Prince" n'avait pas été un titre déjà pris, nul doute que Lagerkvist l'aurait utilisé pour son machiavélique roman.

Gwen21
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 2015 et Challenge Nobel (sans limite de temps)

Créée

le 1 août 2015

Critique lue 350 fois

1 j'aime

Gwen21

Écrit par

Critique lue 350 fois

1

D'autres avis sur Le Nain

Le Nain
aaiiaao
4

Critique de Le Nain par aaiiaao

C’était une lecture prometteuse, elle m’a donc beaucoup déçu. Passée les premières pages qui étayent les réflexions existentielles d’un Nain de cour désabusé, je me suis ennuyée ferme dans cette...

le 28 oct. 2019

1 j'aime

Le Nain
Gwen21
7

Critique de Le Nain par Gwen21

"[...] ce que je fus forcé de voir me remplit à la fois de sombre exaltation et du sentiment de la vanité des choses, de l'écroulement de tout." Ainsi parle le Nain, personnage principal et narrateur...

le 1 août 2015

1 j'aime

Du même critique

La Horde du contrevent
Gwen21
3

Critique de La Horde du contrevent par Gwen21

Comme je déteste interrompre une lecture avant le dénouement, c'est forcément un peu avec la mort dans l'âme que j'abandonne celle de "La Horde du Contrevent" à la page 491 (sur 701). Pourquoi...

le 1 janv. 2014

63 j'aime

24

La Nuit des temps
Gwen21
10

Critique de La Nuit des temps par Gwen21

Je viens d'achever la lecture de ce petit livre qu'on me décrivait comme l'un des dix livres de science-fiction à lire dans sa vie sous peine de mourir idiot. Je viens d'achever la lecture de ce...

le 15 sept. 2013

52 j'aime

10

La Disparition de Stephanie Mailer
Gwen21
1

Critique de La Disparition de Stephanie Mailer par Gwen21

Jusqu'à présent, de Joël Dicker, je ne connaissais rien ou plutôt pas grand chose, c'est-à-dire le nom de son premier roman "La vérité sur l'affaire Harry Quebert". Depuis cette parution...

le 22 mai 2018

31 j'aime

8