Une oeuvre rude mais juste
Ce nouveau livre de Chalandon est d'après moi le plus rude qu'il a écrit. Les deux précédents traitant de l'Irlande avaient déjà mis la barre très haut, mais ici, nous atteignons un nouveau stade. En effet, cette fois l'auteur nous emmène dans un autre "univers": celui du Liban des années 1980. Plus loin de nous, avec une situation politico-sociale complexe, ce Liban nous semble pourtant terriblement proche.
À nouveau Chalandon nous fait douter d'où se trouve la fiction. On sait bien que tout n'est pas vrai, mais il est difficile de savoir ce qui est fiction et ce qui a été vécu par l'auteur. Ici, plus encore qu'avant, on peut s'identifier à Georges, le personnage principal dans son aventure. Les autres personnages sont également très vivants, tous les personnages avec un nom sont importants jouent un rôle dans cette tragédie à leur manière. C'est là aussi la force du roman: utiliser une tragédie, Antigone, pour raconter une nouvelle tragédie.
Sans trop en dire de l'intrigue, elle est bien construite, peut-être un peu prévisible, mais suffisamment bien construite pour nous bouleverser. Le grand changement dans la vie de Georges, qui intervient tard dans le roman, va également tout changer pour nous. On s'imagine à sa place et c'est à la fois magnifique et affreux.
La qualité d'écriture est excellente, avec de belles images et des utilisations pertinentes d'autres oeuvres, comme le "Demain dès l'aube..." et bien sûr, Antigone.
On commence un roman sur le théâtre pour refermer une tragédie. L'auteur s'est clairement investi très à fond dans ce livre, on sent que ce Georges, c'était lui, c'est lui, ça aurait pu être lui. Une telle expérience est rare pour un lecteur, alors il faut en profiter. Chalandon avec ce livre s'impose pour moi comme un des plus grands auteurs contemporains, simplement.