Cette critique sera un peu spéciale et contiendra du spoil !


Pourquoi donc ? Car la raison pour laquelle je me suis intéressé à ce livre est précisément dû au spoil. Je venais à peine de découvrir l’univers fabuleux du Disque-Monde que je suis tombé sur une vidéo relatant un « drama » entourant son auteur, Terry Pratchett.


Il n’est pas rare qu’une figure historique soit récupérée à des fins idéologiques, et ce brave homme n’y a pas échappé. Des personnes se réclamant « gender critical » (traduisez transphobes), déçues que Margaret Atwood se positionne contre la transphobie (ils n’ont visiblement pas compris La servante écarlate), se sont alors tournés vers Terry Pratchett. « Il est d’une autre époque, ils n’auraient pas pu avoir un avis sur la transidentité ! ». Une autre époque ? Terry Pratchett est décédé il y a six ans, en 2015, et rien que la vidéo de Lindsay Ellis sur le sujet prouve que le cinéma a traité des personnages transgenres depuis des décennies (de façon souvent négatives, hélas). S’en est suivi un virulent débat entre ces transphobes et deux proches de Terry Pratchett, à savoir Neil Gaiman et Rhianna Pratchett. Le premier a même été accusé de « queerwashing » parce qu’il affirmait que Terry Pratchett soutenait des personnes trans. Qui est le mieux placé pour parler de l’auteur ? Sa fille et son meilleur ami, ou des inconnus désirant de salir sa mémoire ?
Les personnes trans sont dans une position similaire aux personnes homosexuelles et bisexuelles il y a 30-40 ans. Une plus grande acceptation signifie une opposition plus virulente notamment illustrée dans une « guerre culturelle ». Comme disait Rhianna, « Read the books ! ». Terry Pratchett affirmait déjà être content que les personnes trans s’identifient à ces personnages de Nains dont il est difficile de déterminer le genre, mais il existe un livre plus explicite à ce sujet, à savoir celui-ci, « Régiment monstrueux ».


Au premier regard, ce roman est surtout inspiré de Mulan. Une jeune femme du nom de Polly souhaite retrouver son frère, mais comme l’armée interdit aux femmes d’être enrôlées, elle n’a d’autres choix que de se déguiser. Cependant, et là se situe le twist savoureux, elle découvre bien vite qu’elle est loin d’être la seule à avoir eu cette idée. En réalité, l’intégralité de son unité, y compris une troll et une vampire, s’est déguisée en homme !


Le thème principal de ce livre est donc le féminisme, puisque ladite unité n’a rien à envier à leurs camarades masculins et bousculent les traditions par leur combattivité, force et opiniâtreté. C’est une simple – quoique adapté au style de Pratchett – mais efficace fable féministe, où les femmes obtiennent des places de choix à la fin. Mais le livre va plus loin ! Puisque le récit prend place au cours d’une guerre (évident au vu du sujet), Terry Pratchett nous présente une fable anti-militariste. Toute l’absurdité de la guerre y est étalée, tout comme l’interventionnisme et le besoin de grandes puissances de « civiliser des pays non évolués » et « régler leurs comptes avec leurs voisins belliqueux ». À l’instar du film Starship Troopers, ce livre prouve qu’il est tout à fait possible d’à la fois écrire un plaidoyer pour l’intégration des femmes de l’armée et écrire un roman contre la guerre.


Mais où sont les personnes trans là-dedans ? Il s’agit juste de « cross-dressing », il semblerait ! Eh bien, c’est là que Terry Pratchett s’est montré subtil. Les soldats sont révélés tour à tour être des soldates, et elles sont appelées au féminin par la suite. Le sergent Jackum, chef de l’unité, est le dernier à être dévoilé, à quelques pages de la fin seulement. À l’achèvement de son histoire tragique, très touchante au passage, il est continué d’être appelé au masculin. C’est parce que même s’il était assigné femme à la naissance, il s’identifie bien comme homme par la suite, et l’épilogue va aussi dans ce sens.


Terry Pratchett a donc excellé sur plusieurs tableaux ! Il est encore loin de se hisser parmi mes auteurs de fantasy favoris, mais il possède un sens de l’humour recherché et absurde. Pas de l’humour bas de gamme qui tape sur les personnes déjà opprimées, plutôt un humour efficace dont les cibles sont les institutions, les traditions, les puissants. Voilà pourquoi ses livres vieillissent à merveille, et qu’il me tarde d’en découvrir davantage !

Saidor
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le 6 nov. 2021

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Saidor

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