Newland Archer fait partie de la haute-bourgeoisie new-yorkaise des années 1870, et en bon haut-bourgeois qui se respecte, il a toujours suivi scrupuleusement les codes de ce milieu, étant même fiancé avec une jeune femme de sa condition et qui promet une union sans la moindre émotion ne suivant pas ces fameux codes... On se dit que les codes du Nouveau Monde, d'une ville d'un pays aussi jeune que les Etats-Unis étaient plus souples que ceux de la Vieille Europe lors de cette période... Que nenni, nous répond Edith Wharton, première femme à remporter le Prix Pulitzer (entièrement mérité !) grâce à ce roman, certainement le plus célèbre de sa carrière ; au contraire, ils sont plus rigides, plus étriqués, plus snobs, et permettent moins de démonstrations émotionnelles...
Mais Newland Archer n'a jamais vraiment été dérangé par cela... Jusqu'à du moins que son regard se pose lors d'une représentation à l'opéra sur la silhouette de la comtesse Oleska... Femme d'origine de cette haute-bourgeoisie, acceptée uniquement dans ce milieu pratiquement facilement l'ostracisme, bien qu'ayant fui son européen de mari pour des raisons certainement légitimes (mais seules les apparences comptent !), que grâce à des relations hautes et donc bien placées. Newland au contact de cette femme, cousine de sa future épouse, ne pourra plus fermer les yeux sur le vide de son milieu et, en conséquence, de son existence...
Un roman de la désillusion sur une histoire d'amour impossible dans la haute-bourgeoisie new-yorkaise dans les années 1870, quel rapport et quel intérêt avec notre monde d'aujourd'hui ?
Ce serait oublier, si on venait à répondre stupidement aucun, que les tourments de l'âme humaine, quand ils sont décrits avec justesse, que ce soit ceux de 1870 ou ceux de maintenant, sont les mêmes, et qu'on se laisse donc entièrement happer par ceux du protagoniste. Tellement plongé dans l'abîme de ses sentiments que l'on s'aperçoit, aussi consterné, qu'on a été autant manipulé, en tant que lecteur, que lui.
Ce serait oublier aussi que si certains codes disparaissent, d'autres les remplacent, et toujours ils sont régis par le culte des apparences...
Et puis tout simplement, pourquoi ne pas se laisser tout simplement prendre par une grande plongée dans un passé qui nous paraît lointain, par une témoin de première main, qui a très bien connu cette société. Témoin de première main qui nous fait savourer dans les premiers chapitres, avec un style très riche et très fluide, qui se lit facilement, une description d'une belle ironie avant de nous submerger peu à peu dans une histoire d'amour bouleversante, dans la tragédie d'un homme entre deux mondes...