Sapristi! que ces joyaux font briller mon cœur !

Très difficile pour moi d'aller au bout de ce livre. Le tout début est pourtant intéressant : une bibliothèque, un monde inconnu où les continent flotte, peut-être la Terre du futur, un pouvoir à grand potentiel littéraire, celui de lire l'histoire des objets en les touchants. Et puis l'histoire démarre.
Ce n'est pas grave et même assez plaisant de démarrer par un certain retour aux sources, aux vieilles histoires avec un suspense très gentillet : « Qui est ce mystérieux homme en noir que notre belle et charmante héroïne aux petits pieds (hihi) va devoir épouser ? » Le problème, c'est que Christelle Dabos compte uniquement sur ce principe pour nous faire tenir presque six cents pages.
J'ai visualisé ce livre en dessin animé avec un trait de manga, un peu de Miyazaki dans les décors, pourquoi pas ! Mais il y a aussi beaucoup de Candy, sans le mélodrame. C'est personnel, ce n'est pas un défaut littéraire mais j'ai beaucoup de mal avec les intrigues et les dialogues vieux BCBG. La plus petite allusion sexuelle est sujette à l'outrage amusé de notre héroïne très rangée, qui se croit totalement foutraque dès qu'un bouton de son chemisier est mal attaché. Les descriptions prennent trop de place pour un univers auquel je n'adhère pas. On est dans le monde tellement horrible et fascinant de la cour, des nobles, des bourgeois, de leurs querelles de familles, et l'auteur tente de nous immerger par des lustres, des bijoux, des robes, des placards, des draps, la tapisserie, l'argenterie... C'est de la Fantasy de salon. Je comprends qu'on aime cet univers, mais quand même, la fille ne pense qu'à son apparence, à son mariage et en oublie son pouvoir pourtant intéressant. Les principes fantastiques sont sous-exploités et on se retrouve dans la nostalgie de la Belle Epoque quand les arrangements entre familles puissantes étaient les vrais problèmes politiques, quand les femmes étaient élégantes, féminines et les hommes ténébreux et virils saperlipopette !
Pardon, mais je n'ai pas envie d'éduquer mes enfants avec ce genre d'histoires. J'aime un monde imaginaire quand ils invente ses codes sociaux ou quand il en reprend d'anciens pour les exagérer, les extrapoler, les critiquer ou au moins y réfléchir. Ici, c'est la glorification de la richesse, de l'opulence, du pouvoir à l'ancienne bien centralisé par un grand personnage qui fait peur. Eh oui, plus les personnages sont puissants, plus ils sont grands, quelle idée superbe qu'on est allé chercher loin ! Oh, et les pauvres, il n'y en a pas, dans ce monde. Toutes ces richesses ne sont produites par personne. Les seuls non-riches que l'on y croise sont quelques petits personnages de domestiques qui sont évidemment totalement dévoués à leur travail d'esclave et payés en jours de pause virtuels. Merci le fantasme bourgeois. Une fois bien agacé par ce torrent de choses tellement belles parce qu'elles brillent, on se rappelle qu'au début, ce pays était censé être invivable et sauvage, que l'héroïne n'y survivrait pas. La neige et le sauvage, on y reste un petit chapitre. Ouh ! Quelle épreuve ! Les opéras et le champagne, quel monde hostile, sacrebleu !
C'est très dommage car les éléments inventés, trop peu nombreux, auraient suffi à une histoire intéressante. Le principe des esprits de familles est assez cool, les deux pouvoirs de l'héroïne, celui des Mirages qui falsifient la réalité, les lunettes qui changent de couleur... mais rien n'est exploité. Ces idées-là ne sont qu'une partie du décor et le décor c'est tout ce qui nous intéresse.
Les plateaux, le café, la moquette, la courte-pointe, mes souliers, crotte de bique ! Mes souliers sont crottés ! Quelle sotte indigne je fais ! Mon chapeau est de travers, je n'en ai cure, je le garde tellement je suis une grosse révolutionnaire ! Sus au diktat du chemisier à dentelles ! Soyons subversifs, portons du beige ! Non ! N'oserais-je renverser si violemment les conventions ? Eh bien non. Mais j'espère que vous aurez aimé ma décision irrévérencieuse et si désinvolte de me plier à toutes ces demandes qui ne me plaisent pas ! Et de me rapprocher de l'homme à qui je vais me marier de force!
Même pour de la littérature jeunesse, le vocabulaire est assez pauvre, les sentiments sont ne décrits qu'à travers le cœur, les métaphores et comparaison sont lisses et communes. Un style particulier aurait pu rattraper tous les problèmes décrits plus hauts; il suffit parfois d'une pointe d'ironie pour recouvrir tout un imaginaire. Le style n'est pas là non plus.


L'histoire n'est pas finie, peut-être que les tomes 2 et 3 contredisent entièrement cet esprit royaliste niais, peut-être qu'à la dernière page tout l'intérêt caché se révélera. Trop tard, j'en ai lu bien trop pour me faire un avis, je ne les lirai pas.
Pequignon
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le 13 juin 2018

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