Mistral gagnant

"Le temps est assassin et emporte avec lui les rires des enfants"...

Isabelle Carré donne à lire une enfance de parfums et de madeleines de Proust, justement couronnée du Grand prix RTL-Lire l'actrice démontre que l'on peut cumuler les rôles sans perdre de son talent.

Pourquoi écrire un livre ? Pourquoi se raconter quand on passe déjà sa vie sous les projecteurs ? "Je suis une actrice connue que personne ne connaît". Isabelle Carré aime à rencontrer le monde, celui des plateaux de cinéma fourmillant des métiers qu'elle observe avec attention jusqu'au moment où c'est à elle de se montrer, de faire son métier. Elle écrit ce roman (en grande partie autobiographique mais on devine qu'elle a pris quelques libertés) pour aller chez les autres, aller à leur rencontre, se livrer.

Les rêveurs raconte l'enfance et les pas vers la vie d'adulte. Les années 1970, un appartement loi de 48 gigantesque, aux murs rouges, aux pièces remplies d'objets hétéroclites. Et puis parfois un château, une famille qui "dîne"en dentelle et l'autre qui "mange" sur des nappes en plastique. Deux atavismes diamétralement opposés avec lesquels il faudra composer pour grandir. La famille d'Isabelle c'est un couple qui fait fi des conventions sociales, deux êtres qui se trouvent dans la détresse pour partager un morceau de chemin semé d'enfants. Qu'en sera-t-il de ces progénitures ?
Isabelle enfant est faussement pessimiste, elle qui veut mourir a la rage de vivre et d'inculquer l'optimisme partout où elle passe. C'est elle qui sans s'en rendre compte va chercher la lueur dans l'obscurité.

L'écriture est grâcieuse, parfois un brin poétique. L'histoire familiale est difficile mais les mots de l'auteure jamais rudes. Le lecteur respire des parfums, visualise des lieux, se représente des concepts. Grandit avec Isabelle et marche dans Paris avec elle. Il y a beaucoup de Mistral gagnant dans Les rêveurs.