Martiens , go home ! est un court roman de science-fiction publié en 1955 et écrit par Frédéric Brown. Brown , le picaresque. L'un des rares auteurs de sf a avoir voué son oeuvre - dans le domaine de l'imaginaire , j'entends - à une certaine forme d'autodérision sur le milieu des auteurs de science-fiction. Je ne peux que vous conseiller d'ailleurs l'autre de ses romans les plus connus , L'Univers en Folie que je considère sans doute - encore aujourd'hui - comme l'une des lectures les plus fraîches de mon existence. Sans plaisanter , le style et l'histoire racontée - celle d'un auteur de pulps transporté en un monde alternatif tout droit tiré d'une nouvelle à la Astounding ou à la Planet Stories - équivaut pour moi à manger quelques sucreries , un après-midi oisif , devant une oeuvre qui aurait de prêt ou de loin marqué notre enfance dans le sens guilleret du terme ( vous la sentez ma grosse subjectivité ?).
Bref , une fois n'est pas coutume , dans Martiens , go home ! , Brown nous introduit une fois de plus à un auteur de science-fiction vaguement désabusé , et solitaire. En pleine procédure de divorce , et retiré dans une cabane au beau milieu du désert - à Indio , Californie pour être précis - , Luke Devereaux s'efforce donc à faire fonctionner ses méninges en quête d'inspiration. Et alors que cette dernière semble soudainement poindre au plus profond de lui même , v'la t'y pas qu'un petit gnome vert intangible surgit dans la cabane et se met à l'injurier , à l'harceler , à se moquer de lui ? En vérité , ces mauvais hommes verts ne sont rien d'autre que des Martiens. Ils sont des millions , si ce n'est des milliards , et ont la ferme intention de péter les noix à l'humanité.
En passant dans un rayon sf , dans votre Fnac locale , vous avez sans doute du tomber sur ce livre. Folio SF les a récemment réédité en masse , et il n'y a qu'à faire un tour sur le fantastique site internet Noosfere pour se rendre compte combien de fois ce tout petit roman - qui pourrait paraître insignifiant de par son sujet truculent ou son volume - eut droit , entre Gallimard donc et Denoel , à un ravalement de façade.
Parce que c'est une valeur sûre ! Voila tout. Le rythme y est convenable , et le fond y est même plus dense que ce qu'il n'y parait au premier abord. Les conséquences de cette invasion d'emmerdeurs sont tout à fait...fâcheuses. Entre suicide , hausse du chômage et essor de la superstition religieuse , on a l'impression d'être témoin de ce qui pourrait être la pire de toute les invasions extra-terrestre possible. H.G Wells et ses cafetières tripodiques n'ont clairement rien compris à ce qui fait le sel d'une bonne invasion ! Dans la Guerre des Mondes ou dans Mass Effect , l'ennemi est à la fois physique et menaçant à cause des moyens qu'il met en oeuvre pour ratisser notre bonne vieille planete bleu et la faire sienne , elle ou ses habitants. Mais ici , l'ennemi n'est pas physique , et n'a pas d'intention. Il se divertit en nous hurlant dans les oreilles au beau milieu de la nuit , ou en nous injuriant dans toutes les langues possibles...Imaginez la perturbation psychique que cela entraînerait ! Pire invasion extraterrestre possible , je vous dis !
Et puis Martiens , go home ! c'est aussi un beau discours sur la solitude de la création , et l'orgeuil qui en découle. C'est encore une fois , après L'univers en folie , une belle plongée dans le monde de l'édition d'une époque bénie : les années 40-50-60. C'est aussi très drôle...et - bon - un peu raciste par moment , certes.
Le livre sympa par excellence quoi !