Murène
7.7
Murène

livre de Valentine Goby (2019)

Je n'ai jamais été déçue par les romans de Valentine Goby, non, jamais. Ils sont assez rares ces auteurs qui ont suffisamment de talent pour se lancer dans une VRAIE histoire avec de VRAIS personnages, forts, puissants, éblouissants même, en tout cas impossibles à oublier et que l'on suit comme s'ils étaient un ami ou un frère : en tremblant, en espérant, en pleurant.
Extrêmement documentés, les romans de Valentine Goby nous projettent dans une époque précise et nous placent au coeur d'un problème de société qui soudain va nous surprendre puis, très vite, nous passionner, devenir essentiel et mettre en lumière tout un monde qui nous était jusqu'à présent inconnu.
C'est simple, on est embarqué par la prose dynamique, vivante, l'écriture riche, dense, ardente, qui fouille, donne à voir, à sentir, à entendre. La puissance, la force d'évocation et la sensualité qui s'en dégagent ont peu d'équivalent dans la littérature actuelle.
Quelle conteuse que cette écrivaine !
Allez, je vous dis deux mots de François. Il est beau François, il a la beauté fulgurante de ses vingt-deux ans, le visage de l'amour, le corps d'un dieu : il a la vie devant lui, la vie et ses belles promesses, là, à portée de main… Il a hâte de se jeter à corps perdu dans cette vie bouillonnante qui l'attend, avec Nine, celle qu'il aime, celle qu'il rêve de tenir serrée dans ses bras, tandis qu'en cet hiver extrêmement froid de 1956, il se trouve dans un camion avec un certain Toto qu'il vient de rejoindre porte de Clichy. Ils partent pour les Ardennes : il doit donner un coup de main à un cousin, dans une scierie, près de Charleville-Mézières.
Très vite, ils sont obligés de ralentir, la route est gelée, le brouillard de plus en plus dense. S'ils calent, ils ne redémarreront pas, c'est certain. Le pire (qui n'est jamais sûr) arrive soudain : le dix tonnes s'immobilise net. Toto envoie François chercher de l'aide, lui reste garder la ferraille qu'il transporte. C'est tout droit, tu trouveras. Un paysage tout blanc s'étend à perte de vue.
François n'aura pas le temps de rencontrer quelqu'un, non. Sa vie va soudain basculer. Il y aura un avant la panne et un après, deux vies en une, deux hommes en un.
Et l'on assistera à la métamorphose magnifique de François...
Je n'en dis pas plus, vous conseille (comme d'habitude) de ne pas lire la quatrième de couverture et de vous plonger dans ce roman au sujet passionnant (je dis, je ne dis pas ? Non, franchement, pour le plaisir du lecteur, mieux vaut laisser tout cela intact), un roman profondément émouvant : les personnages sont décrits avec tant de finesse, de précision, sur un mode si nuancé, qu'ils évoluent, là, devant nous ! Oui, Valentine Goby les rend vivants et on les aime tellement, tellement, vous verrez…
Et puis, l'écriture, pleine, serrée, rythmée, saisit le lecteur, l'emporte, l'arrache à son présent : nous sommes François, nous sommes ce personnage magnifique et nous avançons dans le silence profond de cette grande étendue de neige, nous marchons vers notre destin.
C'est parti.


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lireaulit
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le 17 sept. 2019

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