"Notre-Dame des Loups" est un roman de fantastique-horreur, écrit par Adrien Tomas et publié par les éditions Mnémos en 2014. Auteur dont j'avais entendu parlé pour ses œuvres de fantasy, j'ai eu l'occasion de suivre un de ses entretiens lors du premier bibliothon (je vous encourage à y participer, c'est vraiment sympa). Ses deux confrères de l'époque, avec qui il partageait la séance plénière, avait alors décrit ce roman comme un des meilleurs qu'ils aient lus ces dernières années. Un rapide coup d'œil à la quatrième de couverture, et me voilà rapidement convaincu de la nécessité de m'y pencher.


"Notre-Dame des Loups" est un roman chorale, c'est-à-dire harmonisant plusieurs narrateurs, nous contant la traque ultime de la Vénerie. Sorte de confrérie aux origines indistinctes, elle est composée d'individus ayant donné leur vie à la traque des Rejs (ou wendigo, sortes de loups-garous) et surtout de leur chef de meute, la Grande Louve. Le roman s'ouvre alors que notre groupe n'a jamais été aussi prêt de son objectif.


I) Hybridation des genres
Au même titre que ses chers lycanthropes, le roman est un bel exemple d'hybridation des genres. Evidemment, le roman d'aventure parle en premier lieu devant ce type d'histoire. On est purement sur de la traque, tant dans le champs lexical que dans le déroulé de récit. C'est renforcé par la part belle laissée à la nature, dangereuse et intimidante, composée de tableaux rudes de forêts enneigés, de petits cabanons et de grottes. Nos protagonistes, dans leur formation de "confrérie", de "communauté" rappellent également quelques grandes fresques picaresques ou de fantasy. Le récit est par ailleurs emprunt d'une sensorialité brutale, prenant au corps et ne lâchant jamais le lecteur.
Malgré tout, le récit d'aventure (et sa naïveté bienveillante inhérente à l'idée d'explorer des régions inconnus) est très vite battu en brèche dès la première ligne. Il n'y a pas de réelle "émergence" de l'horreur, puisqu'elle est présente du début à la fin (et précède par ailleurs de très loin les ambitions picaresques du roman, apparaissant bien fades à côté). La dimension horrifique est certaine. De façon évidente, les wendigos et leur fâcheuse habitude à bouffer des humains la nuit tombée joue pour beaucoup. La cruauté de nos protagonistes est également bien présente: ce ne sont effectivement pas des enfants de cœur, et c'est peu de le dire. Parler d'anti-héros serait possible, aux vues de leurs aspirations humanistes, mais dans les faits, on a quand même le droit à des vraies ordures. Enfin, l'ambiance vient souvent prendre de biais l'immensité de la forêt en prenant l'apparence d'un huis-clos psychologique. Vous vous rendrez compte, très rapidement, de l'attrition plus que surprenante des Veneurs à chaque chapitre, et comme vous le devinez, il y a anguille sous roche. Le récit fait penser, de temps à autre, aux huit salopards tarantinesques.


II) Anatomie du Wendigo
Créature au cœur des légendes amérindiennes du Canada et du nord des Etats-Unis, il s'agirait d'une sorte de zombie insatiable dévorant les humains encore et encore, entretenue par un tabou du cannibalisme dans toutes les tribus parlant l'algonquin. Sa variation lupine semble être arrivée secondairement. Là où le récit d'Adrien Tomas amuse, c'est lorsqu'il y instille quelques notions mythologiques (on retrouvera Circé, mais aussi les origines de Rome, mais je vous laisse découvrir...).
Si la créature est omniprésente au cours du récit, elle repose dans l'ombre de la Grande Louve. Et, si ces malheureux métamorphes servent (une bonne centaine de fois) de chair à canon, ils incarnent principalement le but ultime de chaque veneur. Chacun présente une bonne raison d'abandonner sa vie pour se lancer dans une entreprise suicidaire, et les découvrir sera source de beaucoup d'excitation du côté du lecteur.


Je vous conseille donc chaudement "Notre-Dame des Loups". C'est un roman dur, âpre, profondément horrifique, qui arrivera à vous secouer à chaque chapitre. C'est aussi un bouquin installant sans brusquerie un univers développé et cohérent en 250 pages.

Wazlib
8
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le 30 juin 2021

Critique lue 121 fois

Wazlib

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