Vous reprendez bien un peu de pandémie sur votre pandémie ?

Vous le saviez peut-être déjà si vous avez lu quelques critiques que j'ai patiemment rédigées, j'ai des goûts plus que discutables et amour profond, quoique étrange, pour l'humour noir. Alors quoi de mieux me suis-je dit, que de se plonger dans Pandémia, histoire de "se mettre dans l'ambiance".

Jusque-là, je n'avais lu de Thilliez que La mémoire fantôme qui sans avoir été un grand chef-d’œuvre intersidéral, reste une lecture agréable et surprenante par moment. Mais Thilliez a extrêmement de mal à maintenir dans la longueur l'ambiance si particulière d'un roman noir et c'est d'autant plus vrai dans Pandémia que l'aspect "biologique" de la menace devrait suffire à en terroriser plus d'un. Cependant, quand on a développé comme moi une passion secrète pour l'épidémiologie (si tant est que cela puisse être "passionnant"), on ne se laisse pas facilement impressionner par les ressorts narratifs du risque bactériologique.

C'est que, voyez-vous, de manière général, nous sommes devenus obsédés par ces histoires de fin du monde pandémique et de catastrophe à base de virus mystérieux. Tout du moins, si on prend comme point de départ la grippe H1N1, vous verrez qu'il y a une corrélation entre son apparition et notre consommation culturelle grandissante pour les œuvres telles que The Walking Dead ou World War Z. Même les séries policières bas-de-gamme ont leur épisode d'épidémie, comme si c'était un nouveau type de "Holiday Special". Bref, tout ça pour dire que ce n'est pas une surprise qu'un auteur aussi prolifique que Franck Thilliez se soit lui aussi mis à creuser le filon tant il est devenu profitable.

Rappelons qu'en 2014-2015, c'était le virus Ebola qui nous faisait retenir notre respiration et que deux ans auparavant, Dan Brown avait déjà ouvert les hostilités en nous livrant Inferno dans lequel, fascination pour l'Italie oblige, on a droit à une résurgence du bacille de la peste car au final, s'il y a bien une maladie que les occidentaux ne risquent pas d'attraper mais qu'ils craignent plus que tout, c'est celle-là.

L'imagerie moyenâgeuse des épidémies a tellement conditionné notre vision des choses que cela se voit très bien chez Thilliez qui ne peut pas s'empêcher de faire de son grand méchant un médecin de peste. Mais ce qui je trouve est finalement bien plus terrorisant que tous ces artifices classiques que l'on retrouve chez d'autres, c'est le personnage d'Amandine, chercheuse à l'Institut Pasteur et germaphobe notoire. Si toutes les allusions à la Grande épidémie me laisse bien souvent de marbre (rappelons qu'elle est due au non-respect des "gestes barrières" que nos comparses chevalier et autres pégus ne connaissaient pas), tout ce qui est vu par les yeux d'Amandine est à la hauteur de la véritable terreur qu'inspire un virus.

Si parfois l'auteur verse dans l'imaginaire simpliste, il faut lui reconnaître de maîtriser une assez grande partie de la réalité d'une pandémie pour pouvoir décrire la peur des soignant.e.s et plus largement de celles et ceux qui comprennent comment fonctionne, dans les grandes lignes, la virologie et l'épidémiologie. Face aux virus, le savoir n'est pas nécessairement plus rassurant, bien au contraire et l'on voit bien que la paranoïa exacerbée d'Amandine la pousse à faire preuve d'une extrême humanité, tout étant parfois cruelle et abjecte. Voilà ce qu'il en coûte vraiment de sauver le plus grand nombre.

Mais si Pandemia est un thriller haletant parvenant à retranscrire la course effrénée et mortelle qu'engendre une si petite chose qu'un virus, j'aimerai poser ici que dans cette histoire, il y a des masques FFP2 et des hôpitaux sur-équipés. C'est bien là toute la limite de la fiction, les faits seront toujours bien pires que tout ce que l'on aurait pu s'imaginer.