Percevoir les couleurs, les bruits, les senteurs et l’ambiance d’une ville africaine… Partager les jeux, les rêves et les dérives d’enfants métissés… Constater l’impuissance devant l’émergence de la haine et de la violence sauvage… Découvrir le désarroi et la souffrance de l’adulte dont l’enfance heureuse est un paradis perdu ...
Gaël Faye a une écriture dense et fluide qui sonne vrai, ciselée comme dans les textes de ses chansons, ce qui fait de son roman un témoignage précieux. Ce n’est peut-être pas tout son vécu personnel, mais l’auteur exprime à l’évidence tout ce qu’il a ressenti, vu, compris, à partir de son enfance au Burundi. Par-dessus tout, il interpelle sur l’identité et l’héritage culturel de chaque individu… Tout au long du livre, on perçoit des pertes de temps ou des précipitations, des incompréhensions ou des absurdités. Je les ai ressentis comme le vécu souvent douloureux et en décalage du narrateur, mais aussi comme les fondements d’une certaine lucidité, d’une capacité à analyser des personnalités différentes.
Au-delà, Gaël Faye dévoile avec justesse et sensibilité les tourments qui habitent les victimes ou les témoins de violences… N’oublions jamais ces drames sociopolitiques qui se jouent en Afrique depuis des décennies. A chaque fois les mêmes conséquences, ces survivants meurtris, déplacés, réfugiés, que nous appelons avec méfiance des migrants et qui sont souvent des générations sacrifiées.
Ce livre délicat parle du souffle de la vie, toujours, et de ce souffle coupé, durement, parfois. Au-delà des horreurs, il rappelle aussi que l’enfance est spontanément beaucoup plus gaie, solidaire et tolérante que les sociétés adultes.