Pulp est , comble du drame , le dernier roman que Charles Bukowski ait jamais écrit , publié seulement un mois avant le décès de l'écrivain , soit en février 1994. Il me semble que la popularité de l'écrivain Californien , que je prenais au tout début de ma fascination à son égard l'année dernière pour un vulgaire poète américain alcoolique servant de catharsis à une génération de jeunes hommes de plus en plus coincés à cause d'une société de plus en plus bien pensante et schizophrénique , semble en passe d'évoluer progressivement. Il est plaisant d'entendre - de ci de là - que certain(e)s ne lui font plus le procès du machisme et du dégoût pour s'attarder , plutôt , sur le véritable thème de son oeuvre. A savoir , la solitude.
Pulp est sans aucun doute le roman le plus détonant de la bibliographie de tonton Buck. On ne suit pas ici l'errance d'Henry Chinaski , l'alter ego usuel de l'artiste , mais Nicky Belane , un protagoniste bien plus fictionnel dans le sens où celui ci n'est pas un poète mais un privé vieillissant en un Hollywood de fin de siècle où des choses assez étranges , issus des plus mauvaises séries Z des années 70 , semblent se produire. Caustique , saoulard , turfiste invétéré , et amateur de femmes - si ça vous rappelles quelqu'un , dites moi tout ! - , Belane va se voir confier tout au long du roman plusieurs affaires qui vont l'emmener à pénétrer un Los Angeles délirant , où les écrivains Français morts ont tendance à flâner dans les rues , et où les extra-terrestres sont des serpents poilus.
Très intrigante lecture que ce requiem à un vieux dégueulasse. Dédiée à la littérature de gare , on pourrait voir en elle l'ultime fantaisie d'un être que la vie a dégueulassée au point de lier l'imaginaire au réel en un ultime souffle de fiction. L'histoire , même si elle n'est pas sorcière à suivre , se perd dans les explications sans queue ni tête , grotesques et - ma foi ! - si invraisemblables donc qu'elles poussent le lecteur à ne pas lâcher prise.
Le point le plus intéressant de ce roman , comme c'est parfois le cas avec Bukowski , ce sont les dialogues. Tel un Audiard alcoolique , il nous délecte de sa maîtrise de l'échange. Des conversations qui sentent bon l'irish cofee à cinq heures du matin , le peignoir , et le cigare gâté. Tout ça , toutes ces effluves que l'on perçoit , c'est la réussite de ce roman pourtant si minime quand on le compare à d'autres. Reste les envolées lyriques subites , marque de fabrique du tonton , qui sont toujours là , elles , et qui font toujours autant ce drôle d'effet quand on tombe dessus au détour d'une , par exemple , bagarre entre piliers de bar éméchées et autres contemplations migraineuse de lendemain de cuite.
Et puis il y a ce final aussi , que l'on ne voit pas arriver et qui résonne si brutalement à l'esprit de celui qui aime Bukowski...Ce final qui nous fait nous rappeler que ce livre , aussi cinoque soit il , fut le dernier de l'écrivain...Bref , certes pas l'écrit du siècle , mais certainement le roman de gare du siècle.