J’ai lu ce livre en octobre 2000, alors que je faisais partie du comité de lecture d’une médiathèque en milieu hospitalier, ce qui explique la concision du commentaire que j’en ai fait alors, destiné à être édité sur une fiche accompagnant le livre et à l’usage des bibliothécaires (bénévoles) que j’ai accompagnés pendant dix ans au chevet des malades :
« Pour qui s'intéresse à ce sujet, ce livre est passionnant. On peut supposer qu'il résume la pensée des hommes de sciences de cette fin de XX° siècle : Une vie intelligente extraterrestre ? "Possible mais peu probable !". Pour étayer le peu de chance que l'on a d'entrer en contact avec elle, on se reportera au paradoxe de Fermi bien explicité et au calendrier cosmique qui démontre à quel point il est peu probable que nous soyons à l'heure pour un rendez-vous. Les textes très clairs, s'adressent à un large public mais le sujet traité ne s'adresse qu'à des amateurs avertis et curieux. Dans tous les cas un livre qui provoque la réflexion ! »
A l’occasion du livre “Nos premières fois” de Nicolas Teyssandier (2019), il m’est revenu à l’esprit le calendrier cosmique décrit dans cet ouvrage-ci. J’en parlais à mon petit-fils de seize ans lui racontant le souvenir que j’avais de ce livre-là, il parut très intéressé et comme dans ces cas là il faut battre le fer tant qu’il est chaud et sauter sur l’occasion de le sortir de son smartphone, je me suis mis en quête de retrouver un exemplaire de ce document qui commence à se faire rare. Mais avant de le lui donner à lire je tiens à le reparcourir pour voir comment il a vieilli.


Donc quatre astrophysiciens s’expriment sur l’hypothèse d’une vie intelligente extraterrestre :
Jean Heidmann :
C’est un scientifique, il ne “croit” pas à l’existence d’extraterrestres. N’ayant aucune preuve scientifique, il ne peut rien affirmer dans ce domaine. Il “subodore”. C’est cette preuve qu’il cherche en écoutant le silence assourdissant du cosmos à l’aide de son radiotélescope géant de Nançay, près de Vierzon : « Nous cherchons des indices de technologies plus avancées que la nôtre. Si nous découvrons par exemple des ondes modulées d’une étrange façon, contenant une information nouvelle pour nous, nous pourrons avancer l’hypothèse que ces signaux émanent d’une intelligence. »
Mais comme pour le livre “Nos premières fois”, dans ce domaine également le TEMPS joue un rôle primordial. On peut envisager envoyer un message radio et espérer une réponse : « Les Américains ont imaginé d’adresser un message par l’intermédiaire du radiotélescope d’Arecibo. […] À qui l’adresser ? Les astronomes ont finalement choisi un amas globulaire constitué d’une centaine de milliers d’étoiles à une distance de treize mille années-lumière… » On peut donc espérer une éventuelle réponse dans… vingt-six mille ans ! Il est à parier qu’on aura oublié la question !...
Alfred Vidal-Madjar :
Directeur de recherches au CNRS, chercheur à l’Institut d’astrophysique de Paris et professeur de physique à Polytechnique, il se trouve aux avant-postes de l’observation des nouvelles planètes.
C’est ainsi qu’en observant la toute jeune étoile Bêta Pictoris (cent millions d’années) distante de soixante-six années-lumière et entourée d’un nuage de poussières, révélateur d’un système planétaire en formation, on pu mettre en évidence l’existence d’au moins une exoplanète (1984). Les conséquences sont énormes « beaucoup de gens n’ont pas encore réalisé l’importance de cette découverte : l’existence avérée d’une seule planète, relativement proche de nous, et maintenant de plusieurs dizaines d’entre elles, a multiplié tout d’un coup par plusieurs milliards la probabilité qu’il existe, quelque part dans notre Galaxie, un autre monde habitable ! »
Alors, cela signifie-t-il que nous avons de grandes chances d’y trouver de la vie ? « On pourrait le penser. D’autant plus que notre Système solaire et notre planète n’ont vraiment rien d’original. Nous sommes même dans un environnement terriblement banal. […] Sommes-nous la plus grosse planète, ou la plus petite ? Ni l’un ni l’autre. […] Le Soleil est une étoile assez moyenne. […] Il est au milieu de sa vie. […] Notre Galaxie est-elle exceptionnelle ? Non, […] C’est une galaxie très ordinaire. […] Si notre situation est tellement banale, les conditions de la vie peuvent se retrouver partout. »
Au passage, notons qu’en août 2018, 3 815 exoplanètes ont été confirmées dans 2 853 systèmes planétaires…
Mais alors compte tenu des milliards d’exoplanètes qui restent encore à découvrir, probablement que la vie doit pulluler et qu’immanquablement d’autres civilisations doivent exister ?
J’ai hésité à développer la pensée de Alfred Vidal-Madjar, mais si vous lisez ces lignes c’est que vous souhaitez en savoir plus, tout en ne voulant pas lire l’ouvrage.
Donc là se place la référence au calendrier cosmique (dont il faudrait, peut-être, modifier quelques chiffres) : « Le principe est simple : supposez que l’âge de l’univers, d’environ quinze milliards d’années, soit réparti sur une seule de nos années. Ainsi le big-bang à lieu le 1er janvier à 0 heure, 0 minute, 0 seconde, et nous sommes le 31 décembre à minuit pile. Dans ce schéma les premiers mois sont occupés par la formation des galaxies. Dès avril ou mai, dans les grandes lignes, notre Galaxie est achevée. […] Le Soleil apparaît donc vers le 13 septembre, et le Système solaire se met en place très rapidement : Jupiter se forme en quelques heures du calendrier cosmique, puis la Terre, en quelques jours. Disons que tout le Système solaire est quasiment bouclé en une semaine… Et la Terre commence à mener sa petite vie. Les fossiles des premiers êtres vivants connus datent de la fin septembre, ou du début octobre. […] Et c’est ainsi qu’il y a environ six cents millions d’années sont apparus des êtres multicellulaires – soit vers le 15 décembre selon le calendrier cosmique. […] Les dinosaures commencent le 26 décembre leur long règne de cent soixante millions d’années – soit plus de trois jours, une durée considérable ! […] Et notre civilisation ? Elle commence dans les dix dernières secondes du dernier jour de l’année ! »
C’est bien joli tout ça, mais à quoi servent ces élucubrations ? Notre ami Alfred Vidal-Madjar nous explique que ça sert à prendre la mesure du temps, à prendre conscience de notre place dans l’échelle du temps et que cette place est insignifiante. Mais le véritable impact du calendrier cosmique se fait sentir quand on le prolonge dans l’avenir. Que se passera-t-il après le 31 décembre ?
Que se passera-t-il pendant la première seconde du 1er janvier suivant ? Une seconde représente cinq cents ans ! « On peut raisonnablement prédire que l’humanité aura colonisé toutes les planètes du Système solaire. »
Pour faire court, considérant l’accélération exponentielle des progrès techniques, et si nous ne nous autodétruisons pas, où en serons-nous dans mille ans, dans cent mille ans, dans cinquante millions d’années ? « Admettons donc que tous les mille ans les hommes colonisent un nouveau système planétaire. Mais dites-moi : combien de temps à ce rythme, mettrons-nous pour aller dans toutes les étoiles de la Galaxie ? […] Il faut environ cinquante millions d’années. » Soit une journée du calendrier cosmique.
Et c’est là qu’intervient le paradoxe de Fermi :
Notre étoile est relativement jeune, dans notre Galaxie, supposons qu’il existe dans l’univers une planète qui soit née deux jours cosmiques avant la Terre, ce qui est tout à fait envisageable. Les lois de la physique étant les mêmes partout dans l’univers, on peut imaginer le développement d’une civilisation avancée sur cette planète jumelle de la Terre. Si une telle civilisation nous a précédé, ne serait-ce que d’une seule journée cosmique, comment ce fait-il qu’elle ne soit pas arrivée jusqu’ici ? Jean Heidmann devrait être débordé, or ils ne sont pas là et l’espace est silencieux !
Nicolas Prantzos :
Chargé de recherches au CNRS et membre de l’Institut d’astrophysique de Paris, ce brillant universitaire est un fervent défenseur de l’aventure spatiale : « Le plus important […] est qu’elle nous a permis de mieux connaître notre propre planète. Les milliers de satellites qui sont actuellement en orbite autour de la Terre, à diverses altitudes, nous permettent de recueillir une incroyable quantité d’informations sur nous-même. Ils servent aux télécommunications (radio, télévision, téléphonie), à la navigation (GPS), à la météorologie… » De même il est convaincu de la nécessité de se rendre sur Mars et d’envisager sa terraformation afin de la rendre habitable : « Cela s’avèrera peut-être un jour très précieux si la Terre est détruite par l’homme […] ou par une collision avec une comète ou un astéroïde. » Mais raisonnablement une telle transformation ne peut se faire qu’à l’échelle du millénaire. L’aventure spatiale répond à des impératifs technologiques mais également budgétaires : Quels bénéfices peut-on en tirer ? Dans l’état actuel des connaissances, l’un des intérêts majeurs des voyages spatiaux serait l’exploitation des ressources des astéroïdes, transformant les astronautes en mineurs de l’espace.
Les propulseurs à fusion nucléaire semblent prometteurs pour assurer les futurs voyages spatiaux, mais ils utilisent de l’Hélium-3, absent sur la Terre mais présent en quantité colossale dans l’atmosphère des géantes gazeuses (Jupiter, Saturne) son exploitation pourrait subvenir à nos besoins énergétiques pendant des milliards d’années !
Enfin, depuis qu’Homo sapiens à quitté son Afrique originelle, il n’a jamais cessé de s’étendre et de conquérir de nouveaux espaces, par curiosité, par instinct. Comme disait Konstantin Tsiolkovski « La Terre est le berceau de l’humanité, mais on ne vit pas dans son berceau toute sa vie », rappelle Nicolas, et si on lui demande s’il pense qu’il existe une autre intelligence, ailleurs, dans l’univers, il répond que c’est tout à fait possible, qu’il aimerait bien que ce soit le cas, mais qu’il est prêt à parier que non ! Et pourquoi ? Toujours à cause de ce sacré paradoxe de Fermi, encore lui : « Notre Soleil est né il y a 4,5 milliards d’années mais à cette époque notre Galaxie avait déjà huit milliards d’années. La vie avait eu largement le temps d’éclore ailleurs et d’arriver jusqu’ici. […] Si plusieurs civilisations ont vraiment émergé, au moins l’une d’entre elles aurait déjà dû arriver jusqu’ici. Or nous n’avons, jusqu’à présent, aucun indice d’une telle visite. »
Hubert Reeves :
Wikipédia nous dit : Hubert Reeves, né le 13 juillet 1932 à Montréal, est un astrophysicien, vulgarisateur scientifique et écologiste québécois. Ayant commencé sa carrière en tant que chercheur en astrophysique, il pratique aussi la vulgarisation scientifique depuis les années 1970 et s'avère aussi un militant écologiste depuis les années 2000.
Ajoutons qu’il est entré au CNRS en 1965 et qu’en 1978, son livre de vulgarisation “Patience dans l’azur” le propulse dans la célébrité avec un million d’exemplaires vendu en vingt ans : « À la télévision, avec sa barbiche blanche, son caractère enjoué et bienveillant, le vieux sage fait un malheur. »
Il est intéressant de noter d’autres formes de vie que celle que nous connaissons, ainsi « on a découvert, il y a quelques années, dans l’obscurité des fosses océaniques, près des fumerolles volcaniques, des formes de vie très différentes de celles que nous connaissons. Ce sont de longs tubes mous et colorés, collés comme des ventouses sur la roche, qui foisonnent à des températures supérieures à cent degrés Celsius. Ils obtiennent leur énergie par oxydation des molécules sulfurées des fumerolles sous-marines. […] Et on vient de découvrir encore une nouvelle forme de vie à quelques kilomètres sous terre : des bactéries qui vivent dans des interstices rocheux. […] elles produiraient leur énergie en en fabriquant de la rouille. […] Ces découvertes de l’élargissement des modes d’extraction de l’énergie biologique ouvrent de nouveaux horizons pour la possibilité de vie extraterrestre. » Dans le même ordre d’idée on a découvert, dans des insectes emprisonnés dans des pierre d’ambre datant de plusieurs dizaines de millions d’années, des bactéries, qu’il a été possible de réanimer ! De là à imaginer que des bactéries, bien insérées dans une météorite, aient pu effectuer des voyages interplanétaires de plusieurs millions d’années, il n’y a qu’un pas !
En 1970, Jacques Monod, écrit dans “Le Hazard et la Nécessité” que l’apparition de la vie serait un phénomène tellement extraordinairement improbable qu’il n’aurait pu se produire qu’une seule fois… Mais depuis cette époque un certain nombre de faits ont ébranlé cette conviction :
- Des chimistes américains ont simulé les conditions terrestres initiales dans une enceinte fermée contenant de l’eau, de l’oxygène, de l’hydrogène, du carbone et de l’azote, ils ont irradié le tout avec des décharges électriques pendant plusieurs jours. Et ils ont observé l’apparition de molécules d’acide aminé que l’on trouve dans la composition des protéines.
- Dans l’espace, la densité du nombre d’atome est très faible. En conséquence la probabilité, par exemple, pour que deux atomes d’hydrogène rencontrent un atome d’oxygène pour former une molécule d’eau est très faible. L’observation au radiotélescope a montré, contre toute attente, que l’espace fourmille de molécules complexes comportant toutes du carbone.
- Enfin, sur certaines météorites carbonées tombées du ciel, on trouve près d’une centaine d’acide aminés. Huit d’entre eux se trouvent dans la constitution des protéines.
Notre ami Hubert Reeves est à la fois philosophe et incorrigible optimiste, il trouvera toujours mille et une raisons pour faire fi des oppositions façon Jacques Monod ou Enrico Fermi « Je crois que, dans notre état d’ignorance, il y a de la place pour une grande variété d’opinions. Il faut rappeler encore une fois combien notre imagination est limitée ! […] Nous pouvons nous attendre à beaucoup de surprises encore… »


Et bien, après relecture, je peux dire que vingt ans plus tard ce livre n’a rien perdu de son caractère PASSIONNANT, je l’ai même redécouvert comme s’il était fraichement sorti des presses (Et je n'enlève rien à mon commentaire initial). Bon, on est passé de 30 à 4000 exoplanètes et sans doute plus à l’instant où j’écris ces lignes, mais cela ne change rien au problème. Que je sache, nous n’avons toujours pas la preuve de l’existence de vie intelligente extraterrestre et donc « S’il s’avère que nous sommes seuls dans l’univers, nous devons faire face à une formidable responsabilité : préserver aussi longtemps que possible cette unique expérience “réussie” de la nature, la répandre dans le reste de l’univers, et tenter d’y faire quelque chose de bien. »

Philou33
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le 20 juil. 2019

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