Finalement, l’Islam qu’il nous vend (ou feint de nous vendre par l’intermédiaire de son narrateur) n’est pas un projet de civilisation (dont le narrateur se contrefout, laissant à Ben Abbas tout le travail, pas plus concerné qu’il ne l’était par le monde européiste et libéral) mais la continuation ou la réactivation d’un fantasme de sybarite occidental blasé par la société de consommation qui n’est plus capable de susciter ou de ressusciter sans cesse son désir : il rêve d’un confort douillet, avec une femme à la cuisine et une plus jeune (voire très jeune, voire mineure… voire enfantine, lisant Picsou Magazine…), d’un travail routinier, sans plus aucun investissement intellectuel ou productif (il dit lui-même être arrivé au sommet de sa production : à 45 ans !) mais avec un salaire et des conditions aisées (un jour de présence par semaine et 10.000 euros par mois) ; aucune spiritualité à l’œuvre là-dedans, mais un désir bourgeois de jouir sans entraves ni contraintes extérieures, mais de jouir doucettement, pour arriver mollement à l’andropause ; finalement, toutes les activités de conquête (travail, séduction des femmes…) sont déléguées : les émirs qataris financent, les marieuses trouvent les femmes adéquates au « mâle dominant », femmes qui fournissent nourriture et faveurs sexuelles à la demande tout en restant discrètes (mais épanouies !) ; le paradis sur terre, avec des masses pauvres (mais auxquelles on fera la charité au nom de l’Islam) et une caste de dominants improductifs, parasites, mais esthètes ; le paradis bourgeois, en somme, avec une fusion de l’épouse chrétienne et cuisinière et de la houri habile dans le domaine sexuel ; Flaubert en Normandie, avec l’Orient et le vagin jeune et élastique de Koucchouk-Hannem à libre disposition (remplacé par Kaddija et son T-shirt Hello Kitty) tout cela avec une bibliothèque bien garnie, du vin de prix et des discussions sur la beauté de l’univers, la politique et la littérature
Est-ce son personnage qui, de son propre aveu, n’a rien compris à l’Histoire et se contente de la regarder voire d’en jouir en parasite ?
Est-ce lui-même qui critique une certaine déviation de l’Islam (ou carrément l’Islam… que penser alors de sa nouvelle tolérance ?) phallocrate et misogyne, qui, mutatis mutandis, pourrait très bien convenir à l’homme occidental ?
Est-ce encore plus cynique que cela : les dominants n’ont que faire de l’idéologie, tant qu’elle leur fournit les moyens de maintenir leur domination ?
Peut-on se soumettre, alors qu’on a plus de volonté ? Soumission, ou plutôt : Impuissance ?