Alex Rider, c'est un peu le précurseur de ce vers quoi la littérature "jeunesse" tend de plus en plus aujourd'hui : proposer des héros et des récits qui soient autant appréciés par les ados que par les adultes. En gros, viser ce public "d'adulescent" lecteurs/trices, dans la lignée des Eragon, Hunger Games ou le-sorcier-dont-je-ne-prononcerai-pas-le-nom-tant-cette-licence-me-saoule. Anthony Horowitz, surtout connu pour ses bouquins polar ou fantastique à destination du jeune public dans les années 90 décide de s'atteler à quelque chose d'un peu plus mature avec cette série d'espionnage revue à la sauce Teenage et Mc Gyver.



Kiss me, i'm a spy...



Alex Rider (oui c'est notre héros, c'est bien de suivre) est un collégien britannique orphelin élevé par son oncle qui, en début de ce premier tome, décède dans un accident de voiture. Alex, qui n'est pas la moitié d'un imbécile, ni le quart d'un fouille-merde, se rend rapidement compte que cette mort est plus que suspecte et qu'on a un peu aidé son oncle à passer l'arme à gauche en lui offrant quelques balles dans la tête. Et pour cause : son oncle travaillait pour le MI6, l'intelligence Service Britannique qui, acculé dans une affaire sensible, voit en Alex un parfait agent à infiltrer. Trop jeune pour être suspecté par ceux qui ont tué son oncle, trop jeune pour mourir. Ou pas.


Alors, si le postulat de départ peut sembler un brin tiré par les cheveux - l'intelligence Service qui recrute un gosse - Horowitz sait y mettre les formes pour faire passer la pilule. Alex est en effet bien entraîné pour son âge (on parle quasi d'enfant-soldat, même si c'est de suite vachement moins romantique), sa mission ne consiste qu'à observer et n'est pas supposée lui faire prendre de risques inconsidérées (ça ne passera pas aussi bien, on s'en doute) et surtout, malgré tout ce que le marketing a pu déballer sur la série, Alex n'est PAS un ado comme les autres. Pas plus que tintin n'est un journaliste comme les autres ou Bruce Wayne un simple milliardaire. Il partage d'ailleurs avec eux le goût pour foutre son nez partout - surtout là où se postent des gardes armés jusqu'aux dents - et son névrotique besoin d'action. Il a en outre deux "super-pouvoirs" : une chance à le rendre cocu jusqu'à la fin de son existence et un radar à emmerdes qui lui permet de détecter un plan foireux là où la CIA, le MI6 et l'inspecteur Derrick ne verraient aucun problème. Et là encore, l'auteur fait preuve d'assez de maîtrise pour ne pas faire de son espion miniature un gary stu totalement pété, capable de vaincre n'importe quel Bad Guy d'un claquement de doigts. Certes, il faut faire admettre à sa suspension consentie de l'incrédulité le principe de base, qui n'est dans le fond pas plus con qu'un sorcier traversant un mur de gare ou un quadra milliardaire en tenue de catch sur les toits d'une métropole. Qui plus est, Horowitz prend le partie de ne pas faire d'Alex Rider l'ado sympa, solaire et trop cool que tout le monde veut avoir comme meilleur pote mais quelqu'un d'assez froid qu'une maturité précoce rend de prime abord pas hyper accessible, y compris pour le lecteur (il m'aura fallu largement un tome pour vraiment m'y attacher et trois à la série pour commencer à le dévoiler davantage.)



Triple zéro



Autant être prévenu : le livre n'est pas original dans les codes qu'il utilise. On est en présence d'une très classique histoire d'espionnage avec son méchant cabotin terré dans son repaire qui veut détruire/dominer le monde parce que c'était écrit dans son cahier des charges, les gadgets, le bassin à piranha (ici remplacés par une bestiole avantageusement beaucoup plus dégueu, vu que c'est devenu ringard), le labo souterrain, etc...
Mais ce qui rend le concept jouissif, c'est bien que notre héros a 14 ans et qu'il ne peut pas utiliser les moyens des adultes : sa principale arme, c'est d'avoir l'air inoffensif, il est donc cantonné aux moyens du bord. Qui plus est, n'allez pas croire que ledit héros s'en sort sans bleus, Horowitz ne tombe jamais dans le piège de ménager son personnage sous prétexte que c'est un enfant, au risque de décrédibiliser les bad guys.
Ce qui fait la force de la série - et de ce premier tome de fait - c'est donc de manier des codes et des stéréotypes de façon inventive et de savoir emballer des scènes d'action placées sous le signe du système D, avec un protagoniste qui est d'autant plus courageux qu'il est très vulnérable (les types à qui il finira inévitablement par péter la gueule à coups de lacets explosifs ou game boy fumigène le pensaient aussi...) mais pas sans aucunes ressources. En somme, Alex Rider c'est le plaisir simple de l'action fun, du méchant haut en couleur, entre premier degré et parodie affectueuse du James Bond like, avec une touche de noirceur indispensable à la crédibilité du tout.



Cours plus vite que ça !



Reste - pour revenir précisément à ce premier tome - que Stormbreaker est peu en déca du reste de la série, sans doute du fait qu'il sert de "brouillon" : son rythme n'est pas toujours très heureux, l'enquête et l'entraînement d'Alex traînant trop en longueur par rapport à sa mission, la fin étant plutôt décevante et anti-climax et le plan du méchant fondamentalement un peu con en donnant l'impression de viser à côté (Ok, je cherche pas nécessairement la cohérence d'un plan de méchant de James Bond mais là, c'est un poil too much pour moi). Ceci dit, ce premier tome pose les éléments de la recette pour les futurs tomes et permet une introduction en douceur aux missions et aux méthodes d'Alex Rider - qui comme son auteur manie aussi bien le sarcasme flegmatique ou l'explosif artisanal que l'auto-dérision. On en redemande.

SubaruKondo
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le 5 juin 2018

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