Cette fois, comme souvent, Paul est à Montréal ; mais il est en prison, ce qui change un peu le " dispositif " (comme on dit à tout bout de champ sur France Culture). Une parenthèse de deux ans (peut-être un peu moins) pour se remémorer sa vie face à un codétenu passionné de moto qui utilise les mêmes toilettes que lui dans un espace très restreint. Il fallait y penser. J'arrêterais bien de lire les aventures de Paul (bientôt Paul en EHPAD ?), mais il se trouvera toujours quelqu'un autour de moi pour acheter son livre qui trainera sous mes yeux, et je céderai à la tentation de la facilité.
Avec Jean Paul Dubois, la problématique de la critique n'est pas de dire pourquoi on aime (ou pas), mais plutôt pourquoi on aime toujours et encore alors que c'est à peu près toujours la même chose. J'ai conservé un souvenir vague de ses premiers livres avant d'aborder " Une vie française " qui fut une révélation parce qu'il y racontait avec humour et juste ce qu'il faut de mélancolie, un dosage subtil qui fait que le lecteur se sent moins mal sinon bien, un parcours initiatique qui se basait sur sa propre expérience (assez banale tant elle ressemblait à la mienne) pour improviser des inventions inattendues et osées corsant les aventures d'un perdant magnifique toujours prénommé Paul. Facile de s'identifier à un tel personnage dont je pensais qu'il me convenait parce que lui aussi avait connu aux mêmes moments de sa vie, sous les mêmes présidents, les mêmes évènements (en particulier ceux dits " de 68 "). Cependant, le succès de cette livraison de 2019 confirme que le charisme paradoxal de Paul séduit bien au-delà de cette tranche d'âge et d'histoires de vie que compose le public rassis et sentimental des hommes blancs vieillissants.