Messieurs les éditeurs : vous êtes parfois amusants ! Votre couverture laisse croire que l’on va s’évader dans un ciel bleu quasi sans nuages alors que le lecteur se retrouve enfermé avec les deux infortunés protagonistes dans une prison durant presque tout le livre !
Maintenant au tour des américanophiles ! Oui je parle bien sûr des écrivains français ! Ne vous sentez pas tous obligés d’écrire une histoire qui se passe en Amérique !
L’histoire se passe donc à la prison de Bordeaux qui est bien le nom d’une prison de Montréal. Dans un des nombreux retours en arrière on a l’inévitable histoire de la petite ville américaine paumée menacée par un danger, ici c’est l’amiante. Plus encore que le cinéma, le roman français donne l’impression d’avoir été phagocyté par la culture populaire américaine. Et c’est malheureux de la part d’un écrivain qui est connu comme l’auteur d’Une Vie Française, même si Jean-Paul Dubois a pour alibi de vivre au Canada la moitié de l’année.
Bon, passons. Malgré tout le livre a eu le prix Goncourt qui est d’abord une récompense pour l’ensemble de l’œuvre et pas pour un livre en particulier, comme il est bon de le répéter.
Tout ce qui précède ne dévalorise pas l’idée originale de faire du personnage principal un factotum employé dans une grande résidence pour riches retraités (on dit en novlangue administrative un super-intendant). Parler du quotidien de Paul qui fait tout son possible à lui tout seul pour assurer le confort, soigner et remonter le moral des résidents, prouve l’empathie de l’auteur pour les plus modestes. Son compagnon de cellule, un balaise tatoué passionné de Harley Davidson, inculpé pour meurtre, est lui-même décrit comme un bon garçon victime du destin.
Le roman parle aussi et surtout de disparitions, de ruptures et de sort contraire, avec une gravité non dénuée d’humour.
Le tragique de la mésentente et de la séparation des parents de Paul est contrebalancé par l’humour de la situation originelle:
le père est un pasteur danois austère, bien que pris par le démon du jeu, tandis que la mère est une soixantehuitarde qui programme Deep Throat dans son cinéma pour montrer ses idées progressistes.
La situation étant connue depuis les premières pages, il ne reste qu’un mystère à découvrir, qui est de trouver la cause de l’incarcération de Paul, qui se devine d’après son caractère et ne mérite pas forcément les 250 pages.
Heureusement le lecteur peut se raccrocher aux digressions purement techniques qui sont les respirations du bouquin, une preuve que JPD a plusieurs centres d’intérêt. La NSU R80 à moteur rotatif : une invention extraordinaire, sauf quand la bagnole tombe en panne. L’orgue Hammond B3 et ses 91 pignons, celui de Procol Harum ou de Jimmy Smith : une merveille de technologie qui rend un son inimitable. Et je ne parlerai pas des Harleys Fat Boy , Softail Slim ou Heritage !
Et puis il y a Winona la pilote de l’hydravion Beaver DHC2:
Winona avait une manière très directe de considérer et traiter les choses. Après avoir enfilé sa combinaison et allumé une cigarette, elle m’a dit :
« Quand je t’ai vu revenir ce matin à l’hydrobase j’ai pensé
immédiatement : c’est avec cet homme-là que je vais finir ma vie.
Maintenant on embarque. Referme bien la porte et n’oublie pas la
sacoche ».
Pour conclure la lecture de Tous les hommes ... est à l’image de la tonte du gazon présente dans tous les livres de JPD. Ça maintient l’attention, c’est un peu ennuyeux mais avec des à côtés qui peuvent être intéressants, et on se dit qu’on a passé un bon moment quand c’est fini.