Une matinée perdue

Résumé : Bucarest, vers le début des années 1980. La vieille Vica, couturière retraitée, traverse toute la ville pour se rendre d'abord chez son neveu - qui n'est pas chez lui - puis chez la fille de son ancienne employeuse, dans l'espoir que cette dernière lui donne un peu d'argent. Vica est un caractère haut en couleur, une femme du peuple qui possède son franc-parler. C'est donc à travers elle et son parler populaire savoureux que le lecteur est entraîné dans une vaste fresque familiale et historique : sa visite chez Ivona se transforme en évocation d'une journée particulière dans la famille de cette dernière, à la veille de l'entrée en guerre de la Roumanie en 1916. Par petites touches impressionnistes, le bavardage des deux femmes fait donc non seulement revivre la Bucarest du début du siècle, mais nous fait également traverser deux guerres mondiales et plus de soixante ans d'histoire roumaine. L'évocation de ces destinées individuelles forme une fresque vivante, car les deux femmes dialoguent en toute liberté, même si un fossé social sépare Vica, avec ses expressions argotiques, et Ivona, d'une réserve toute bourgeoise. Une matinée perdue frappe par la profondeur de son champ de vision et par son attention au moindre détail. Gabriela Adamesteanu a réussi un grand roman social et familial tout autant qu'un livre audacieux et moderne dans sa forme.