De la vaseline, des pleurs, deux sodomies et une typologie de nichons. Ca commence par une fellation, ça s’achève à l’identique. Une semaine de vacances, ou les folles histoires d’un pervers expérimenté et de sa domination inébranlable sur sa jeune fille en fleur.

Christine Angot cambre les trois-quarts du récit sur le rapport sexuel — anal et buccal exclusivement —, avec, en fil rouge, une caméra descriptive qui très soigneusement s’attarde sur le moindre frottis, la moindre petite douleur ou titillation. À la clef : un curseur narratif qui se niche sans interruption dans le mouvement des corps, des membres, des extrémités, et le déversement des fluides. Apétissant, jusqu’à ce qu’on ait vent du véritable sujet.

De manière à ce que l’on enregistre bien qu’on nous parle d’inceste en long en large et en travers, des fois que ça nous aurait échappé, Angot passe les choses triplement au surligneur. La fellation liminaire, étrangement culinaire, s’étale sur la moitié du bouquin. Instoppable. Les scènes sexuelles mouillent chaque page, sans exception, dans de brefs battements d’orgasme-pénétration. Personne, dès lors, ne rechignera à qualifier l’oeuvre de pornographique, bien qu’elle ne se borne pas non plus à cela.

Quoiqu’il en soit, ce parti pris de la surenchère sexuelle, virtuel besoin narratif au service d’une cause plus vaste selon certains détraqués — telle que l’illustration de la domination masculine permanente —, suscite l’overdose. Nul intérêt à en faire des tonnes : en choisissant d’appuyer l’usure, Angot perd en littérarité.

On s’interroge aussi, devant le dépliage d’une grille de procédés rhétoriques, sur ce qui téléguide l’auteure. Angot, apôtre de ses belles intentions, tient à faire turbiner la tension, et s’échine à rendre le glissement sexuel des corps très racoleur. Toute une stratégie de sensibilisation qui, à en voir les syntaxes, se brosse assez grossièrement. Asyndètes, virgules de proche en proche, relances rythmiques, accumulation d’anaphores, phrases courtaudes, vocable famélique : le filon est éculé.

Percutant, à l’aune de ce que Christine Angot se targue de décrire les choses « tel quel », enchantée sans doute de colporter les reproches de ceux qui l’ont trouvée trop crue. Alors que la teneur sexuelle d’Une semaine de vacances ne chatouillera la pudeur que de quelques grabataires détrempés.

Résultat des courses : la littérature d’Angot est une littérature appauvrie. Faiblarde, encagée, guindée dans le va-et-vient entre les parois de la trame et de la chair. Répétitive au possible. Partant, l’on dégringole vers une simple littérature du mouvement, signe que la lunette littéraire est étriquée.

Pour autant, les problématiques préliminaires étaient alléchantes. Provocation du désir (malgré l'inceste) par la lecture, jouissance du plein-contrôle, équivalence entre domination incestueuse et domination masculine... L’adolescente qui fait les frais des approches de son père a en effet tout d’une femme harassée par l’incitation sexuelle permanente. Mais ces angles tournent en circonlocutions et n’aiguillent sur aucune résolution : rien que de l’illustration facile et muette.

Récemment, l’auteure s’émoustillait de ce que le cinéma pornographique déploie de factice. Heureusement, entre trois anaphores et quinze asyndètes, Angot est là pour nous injecter de bonnes et grosses bouffées de réalité.

On l’aura saisi, la rencontre a capoté.
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le 29 oct. 2012

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