Arrow
5.3
Arrow

Série The CW (2012)

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Régression significative dans l’histoire télévisuelle

Qu’on soit d’accord, Arrow, pour l’adolescent qui cherche un divertissement sans prise de têtes, c’est le bonheur, un super-héros qui n’a encore eu aucune apparition dans les médias hormis l’animation, une histoire pas trop compliquée à suivre et des scènes d’action teintées de kung-fu pour justifier un visionnage et rendre le tout "cool".
Pour ce qui est des libertés prises entre la série de la CW et le matériau de base, tout le monde semble s’en tamponner royalement (moi également), le personnage imaginé par Mort Weisinger et George Papp ayant été souvent qualifié de "batman du pauvre", tant Green Arrow puise dans l’univers du chevalier noir.


Mais on ne va pas se mentir, je n’ai pas terminé Arrow et ses 8 (!) saisons, m’étant amouraché les deux premières pour ensuite voir mon enthousiasme défaillir de plus en plus jusqu’au final de la saison 4, qui confinait à l’auto-parodie avec un villain bas-de-gamme, des rebondissements excessifs et un casting devenant de plus en plus insipide. Concernant la distribution, on ne peut que retenir Stephen Amell qui est le Sam Worthington des séries télés, inexpressif et dénué de caractère, Emily Bett Rickards qui est un cliché agaçant de la geek férue d’informatique, David Ramsey dont l’inutilité du personnage n’est plus à prouver et va en grandissant au fil des saisons, et pour cette saison 4, Neal McDonough mauvais et exagérateur comme pas possible.
La qualité décroissante de la série, les nouvelles intrigues et sous-intrigues bancales ou peut-être simplement le fait que je mûrissais et que je découvrais d’autres séries qui ont capté mon attention m’ont conduit à arrêter le visionnage de cette production qu’est Arrow.


Arrow a pris une nouvelle dimension lors de l’avènement des séries super-héroïques et de la création d’un univers télévisuel partagé où notre héros encapuchonné retrouve des collègues de comics comme Flash, Supergirl ou plus récemment Batwoman. Ces séries étant d’ailleurs du même acabit que celle qui a initié le mouvement, les acteurs étant des clichés ambulants, les scénaristes ayant écrit les arcs narratifs principaux et secondaires sur une feuille de papier toilette et le visuel faisant parfois penser à une mauvaise cinématique de jeu vidéo sur PS2, surtout pour Legends of Tomorrow, qui confine à la bouillabaisse numérique.
Donc plus on avance dans le temps, plus l’univers d’Arrow s’étend, plus le nombre de séries dérivées/spin-off augmente et plus le public en redemande, mais au contraire, moins la qualité se fait voir et plus on arrive à saturation, comme pour le cinéma super-héroïque, mais de manière encore plus flagrante. Pourquoi ?


Pour répondre à cette question il nous faut remonter aux confins du monde de la télévision, au début des années 1990, où le soap et les séries policières règnent en maître et justifie l’épellation de la télé comme le "parent pauvre du cinéma", car quand on a vu un épisode de Magnum ou K2000, on les a tous vu.
Et là arrive Twin Peaks de David Lynch, ébauche d’une révolution télévisuelle, avec la patte d’un créateur, un fil directeur sur toute une saison et des acteurs impliqués, donnant vie à des personnages travaillés.
La seconde et décisive révolution télévisuelle viendra quelques années plus tard, la mythique chaîne HBO ayant décidé de tout défoncer sur son passage avec des monstres télévisuels tels que Sur Ecoute ou Les Soprano, le nombre de séries de qualité provenant de cette écurie d’élite est d’ailleurs ahurissant. A partir de là, les séries se font de plus en plus «filmiques», elles se posent, gravitent autour d’un scénario léché, proposent des personnages qui deviendrons cultes et bénéficient au fil du temps de plus gros budgets et d’un show en conséquence.
On pourra citer une troisième révolution télévisuelle qui n’est autre que la suite logique de ces séries d’HBO, avec Breaking Bad qui est la perfection incarnée, The Walking Dead, avec ses airs de Romero et son côté hommage au cinéma de genre assumé, ou encore le mastodonte Game of Thrones, qui malgré quelques fausses notes sur sa globalité n’échappe pas à sa qualité de blockbuster du petit écran et de porte-étendard des séries à gros budget.


Arrow et ses congénères en collants de la CW, c’est donc la régression ultime du monde de la télévision face aux rejetons de Netflix, FX, HBO ou AMC. Et voir ce retour à une ère télévisuelle primaire en 2012, ça craint encore plus. Ce serait la preuve vivante d’un monde parallèle où Twin Peaks et Sur Ecoute n’auraient jamais existé, car tout ce qui caractérise une mauvaise série est dans Arrow. Des personnages écrits avec le cul, insipides et caricaturaux, des dialogues qui ressemblent à ceux que ta filleule utilise lorsqu’elle joue aux figures barbies, des effets visuels à gerber, des costumes peu originaux que tu trouves chez Toys "R" Us, des intrigues principales inintéressantes et des intrigues secondaires inutiles, donnant lieu à des scènes longues et chiantes et à terme à un nombre d’épisodes par saison qui confine à la surenchère, de la baston filmée avec des moufles, de l’humour calculé à 1000 lieues à l’avance, une touche d’émotion forcée pour dire que... qui ne fait pas mouche, des personnages dispensables qui se retrouvent propulsés dans des rôles importants, et qui à la longue ont leurs propres séries, elles aussi constituées d’énormément d’épisodes... et surtout, surtout, un format télévisuel indéniable, avec des cliffhangers putassiers et parfois complètement débiles, des retournements de situation à quasiment chaque épisode, comme pour compenser une qualité médiocre en disant "regardez la suite ça sera mieux !".


Et là vous allez me dire :
"Oui mais Tom Bombadil, t’es con ou quoi, c’est une série, c’est normal que ça soit télévisuel, c’est normal les cliffhangers !".
Ce à quoi je réponds : avez-vous lu ce que j’ai écrit précédemment ? Il y a eu TROIS révolutions télévisuelles entre une série comme Dallas et une série comme Arrow, alors pourquoi en termes de style de narration et d'écriture, de réalisation, de personnages et de développement d’un univers, j’ai la forte impression que rien ne s’est passé pendant ce laps de temps ?


L’évolution logique de la télévision est de ressembler de plus en plus au cinéma sans les contraintes (financement lourd, canal de distribution contraignant...) tout en gardant les avantages qu’offrent le format séries, c’est-à-dire l‘étirement de la temporalité : installer, développer sur le long terme, et conclure un monde. Les formats ont d'ailleurs beaucoup changé en quinze ans et sont une des preuves de cette évolution, la plupart des séries actuelles montrent une grosse dizaine d'épisodes, plus longs que de coutume, enfin, sauf Arrow...
Ainsi, l’univers de The Mandalorian est digne d’intérêt et il est facile de s’engouffrer dedans, parce que la série se pose pour le décrire.
Les protagonistes de The Leftovers ou Mad Men sont de véritables œuvres d’art vivantes de psychologie, captivants et attachants, parce que la série se pose pour les détailler.
Le scénario de Game of Thrones ne souffre pas de rebondissements putassiers, parce que la série se pose pour le ficeler et le maintenir cohérent dans son propre univers.
Ces séries font cinéma, elles n’agissent pas comme une mauvaise drogue qui obligent à regarder la suite juste par intérêt à savoir comment ça va finir, non, elles tendent à rejoindre le cinéma aussi bien au niveau narratif qu’au niveau visuel qu’au niveau réalisation, car plus le temps passe, et plus les créateurs apposent une marque sur les séries desquelles ils donnent naissance.
Tout ceci fait qu’aujourd’hui, le monde de la télévision se partage entre les bonnes séries et les excellentes séries qu’on regarde autant pour la qualité des épisodes pris séparément que pour la globalité du tout, les mauvaises séries, divertissements low-cost et plaisirs coupables ayant zappé les révolutions télévisuelles décrites brièvement ci-dessus se faisant de plus en plus rares et étant voués à disparaître...ou à s’adapter.


Ce n’est malheureusement pas le cas pour Arrow qui est resté attaché à ce style trop "télévisé" pour son époque pendant pas moins de 8 ans, en raccord avec la médiocrité du petit-écran du début des années 2000, une sorte de mélange entre Smallville et Lost, avec quelques touches visuelles de Mutant X pour rendre le tout indigeste.
Et contrairement à la croyance populaire, ce n’est pas le genre super-héroïque qui se veut régressif et abrutissant, les premiers essais de MARVEL sur le petit-écran (Daredevil et Jessica Jones pour leurs premières saisons) ou encore la dernière pépite The Boys prouvent que le comicbook peut aboutir sur format télévisuel à un divertissement de bonne qualité estompant le lien entre grand et petit écran.
Arrow et sa lignée sont une marque de dés-évolution dans l'histoire télévisuelle américaine, un exemple flagrant de régression alors que les séries se font de plus en plus évoluées et cinématographiques, et même pas un bon divertissement pour palier à ça. Une tendance régressive qui n'est pas prête de s'arrêter, au vu du nombre de productions de la Distinguée Concurrence issues de l'univers d'Arrow qui voient le jour et/ou sont renouvelées, et lorsqu'on voit le succès auquel elles jouissent, on peut se demander si le public ciblé ne regrette pas inconsciemment l'époque où la télévision n'était que le parent pauvre du cinéma, un réservoir à "séries que l'on regarde pour passer le temps" sans portée artistique, symbolique ou émotionnelle.

Créée

le 22 mai 2020

Critique lue 113 fois

Tom Bombadil

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