Quand on rentre d'une journée de travail épuisante (je travaille pas ok ok mais vous voyez l'idée), on a envie de se changer les idées. On allume la télé et on mange devant le rituel de nos chères chaînes hertziennes, les séries policières américaines. Il y a le choix et on peut en mater à peu près une par soir suivant les moments. Les Experts sur TF1, les NCIS sur M6, bref, tout cela se regarde sans déplaisir : il y a juste ce qu'il faut d'intrigue pour qu'on suive sans se faire chier et surtout sans trop se prendre la tête.
Personnellement j'ai un chouchou. Castle, série créée en 2009 par Andrew W. Marlowe. Qu'est-ce qui la différencie des autres?
Dans la tête de l'auteur
Une série policière obéit à un schéma simple et c'est ce qu'on lui demande à 21h le lundi soir. Ce qui va la distinguer des autres, c'est son traitement global et surtout ses personnages. J'ai tendance à placer les séries policières sur un axe simple : la série se prend-elle au sérieux ou pas? Par exemple, NCIS Los Angeles, Esprits Criminels ou *Les Experts : Miam*i (mon dieu que je DETESTE cette série) se prennent au sérieux. Hawai 5-0 ou Bones ne se prennent pas au sérieux. La série Castle, quand à elle, fonce droit dans le n'importe quoi assumé.
Les aventures mettent en scène Nick Castle, un écrivain de romans policiers d'action à succès, qui suit les enquêtes du lieutenant Cate Beckett de la police de New York. Voilà la grande spécificité de cette série : on ne suit pas des enquêtes policières lambda, on suit des enquêtes policières vu à travers les yeux d'un homme qui cherchent l'inspiration pour des romans. La différence est de taille car la série ne cherche pas à mettre en scène des intrigues vraisemblables : elle s'assume en tant que réservoir à scénario délirant pour un auteur de best-seller.
Exemple avec le résumé d'un épisode : Beckett enquête sur la mort d'un arbitre de concours canin. Il "coachait" le caniche d'une starlette, qui s'était engueulée avec lui juste avant sa mort. On découvre ensuite (via un paparazzi qui s'en servait pour prendre en photo la starlette, même si c'est pas lui qui l'a installée au départ, suivez un peu) qu'une caméra était accrochée au chien. Le but était donc de suivre la starlette? Que dalle car les héros apprennent que la victime était aussi et surtout un dresseur de chiens renifleurs de drogues pour la CIA. Serait-ce la raison de sa mort? Oui car on découvre qu'en fait le petit copain de la starlette avait installé la caméra pour suivre les activités de la victime et trouver le meilleur moment pour l'assassiner. Mais pourquoi le petit copain de la starlette aurait fait ça? C'était en fait le "fils adoptif" d'une famille qui contrôle un cartel colombien !
Les épisodes de Castle s'assument comme des enquêtes fantasmées par un auteur de polar. Cela permet à la série de partir dans tous les sens niveau scénario : Big Foot, le Père Noel, les ninjas... Un épisode se déroulant dans une convention fait aussi référence à la série Firefly de Joss Whedon, dans laquelle Nathan Fillion, l’interprète de Castle, est aussi le personnage principal. On est dans la tête d'un homme qui scénarise sa propre vie. Les épisodes thématiques deviennent tout de suite crédibles et on se demande souvent jusqu'où l'intrigue va aller.
Avoir du recul face à l'absurdité de la mort : Castle, oeuvre philosophique?
Castle, en tant que personnage, a aussi une fonction plus, disons, psychologique. Il aide à avoir du recul. Cet homme ne voit jamais les victimes mais les intrigues. Il permet de faire passer des événements qui sinon, seraient un peu gênants. Dans un épisode, une jeune femme en robe rouge est découverte dans Central Park le visage lacéré. On a à peine le temps d'avoir de l'empathie et d'être dérangé par le gore général de la scène que Castle balance un candide "Oh, le petit chaperon rouge!". Ce genre de phrase nous permet de garder du recul par rapport à la scène. De plus, Castle cherche régulièrement les mobiles les plus farfelus parce que le but est pour lui d'avoir l'intrigue la plus romanesque possible. Une série policière est par essence triste (on enquête sur une mort, on fouille dans le passé des gens) et Castle utilise le second degré pour nous enlever cette gêne.
Castle joue et cabotine, la série est d'ailleurs bien meilleure dans ses épisodes invraisemblables que dans ses passages plus sombres, fouillant dans le passé des personnages principaux (encore que le passé de Castle est pour le coup, vraiment romanesque). Ah oui, et forcément, Castle et Beckett sortent ensemble mais ça reste mignon. Ça rajoute même un coté Pygmalion (à quel point Beckett se confond avec Nikki Hart, le personnage des romans de Castle dont elle est l'inspiratrice?)
En somme, de très beaux lundis soir en perspective.