Nouvelle co-production des studios Blackpills et Boobypills après le délicieux Vermin, Crisis Jung nous emporte dans un univers post-apocalyptique où l'humain, dénigré, tente péniblement de survivre. Heureusement les hommes "qui ne sont rien", comme dirait un grand philosophe de notre époque, s'accrochent à ce qu'il leur reste : l'espoir. Une légende prédit l'arrivée d'un héros au cœur brisé qui sauvera la terre, la condition humaine et au passage, leur dignité.
Cette mini-série complètement barrée vacille entre haine et amour, violence et tendresse et même folie et sagesse. Chaque épisode se concentre sur une qualité humaine que le héros doit acquérir pour mener à bien sa mission, car il est bien là le propos central : l'humain. Malgré une omniprésence de l'absurdité, le récit explore des concepts psychologiques bien réels et la conscience humaine est mise en avant par chaque personnage annexe qui apporte sa contribution à la quête. Au-delà de l'esprit, c'est surtout le corps humain qui fascine Jérémie Périn et Baptiste Gaubert, les créateurs de l'oeuvre. On le voit sous toutes ses formes et à toutes les étapes de la vie. Les organes, les muscles ou les vaisseaux sanguins ont une place prépondérante et les flux sont démesurés à l'image des effusions de sang rappelant les chefs-d'oeuvre de Kurosawa. Les monstres polymorphes rencontrés tout au long du parcours sont des sortes d'assemblages de membres humains qui se servent de leurs excroissances comme des armes. Les corps sont modifiés à l'image d'une pilosité souvent excessive, ils sont aussi coupés, brûlés, mangés, déchiquetés, broyés... Mais par une étrange alchimie, s'en trouvent sublimés.
Crisis Jung se démarque ainsi par son goût de l'absurde, sa capacité à accumuler les ambivalences et son traitement de l'anatomie sous des formes insoupçonnées. La trame narrative est maîtrisée mais on pourra regretter quelques répétitions, certes volontaires, qui auraient gagnées à être plus imprévisibles. Les dialogues et en particulier les quelques expressions anglaises ne fonctionnent pas toujours mais les voix sont travaillées et donnent de la profondeur aux personnages, et puis voir une série animée où le français est la VO, ça fait du bien. Je reviendrai te voir Jung, je t'en fait le serment.