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Nimue est une jeune fée rejetée par les siens qui va se retrouver au cœur d’un conflit religio-politique le jour où elle se retrouve en possession d’une épée magique qui doit être apportée à un mystérieux mage du nom de Merlin…


Frank Miller est un dessinateur de comics à la patte particulière. Sin City, 300, si je ne m’abuse… on aime ou on conspue. Tom Wheeler, par compte, est pour moi un grand inconnu. Apparemment, il avait depuis longtemps en tête le prémisse suivant : la dame du lac a possédé Excalibur avant Arthur. Du coup, quand il a écrit son roman, il a proposé à Miller de l’adapter en bd et les deux sont ensuite allés voir Netflix ensemble pour y proposer son adaptation, cette fois-ci cinématographique. Visuellement, ça proposait du lourd… enfin, quand on regardait le cv de Miller, parce que Wheeler… il y a à boire et à manger. Pour tout vous dire, je pense que sa plus grande force a été d’avoir adapté en blockbuster la série Dora l’exploratrice, un exploit qui n’est vraiment pas donné à tout le monde ! Mais quand même ! Dora l’exploratrice ! Une série pour les trois ans et demi !
Et puis, comme certains l’ont dit, Miller n’a plus fait grand-chose depuis l’adaptation de son Sin City… autant vous dire que ce qu’on m’a vendu, à savoir une relecture féministe de la légende arthurienne sur fond fantasy de Game of Thrones sentait déjà le roussi à plein nez.
Néanmoins, bonne poire, j’ai accepté d’y jeter un coup d’œil sur Netflix. Bonne poire, hein.

Et franchement, c’est dans ces rares moments où je me demande si la grande force de Netflix n’est pas… de se vendre à gros coups d’artifices bien vides. Parce que, entre les séries événements qui ne sont pas terribles, ont la vie courte ou sont des co-productions… ça commence à en faire beaucoup de ces projets qui déçoivent !


Commençons par le féminisme si vous le voulez bien (bon, je fais ce que je veux parce que j’écris cette critique et puis, comme je l’ai dit plus haut, c’est le premier point du prémisse). Faut arrêter le faux Girl Power. Je m’explique, il y a deux choses que les producteurs de cinéma ont retenu du mouvement Metoo : 1) les filles en ont marre d’être traitées comme des objets sexuels par la moitié de la population masculine. 2) les filles veulent avoir plus de rôles modèles au cinéma et à la télé. A partir de là, je pense honnêtement que ça s’est emballé dans leurs têtes. En effet, quand on n’a pas de « les femmes sont des déesses et les hommes des connards », on a le droit à des Mary-Sue (quand ce ne sont pas les deux traitements auxquels nous assistons). Les Mary-Sue, si vous ne connaissez pas, ce sont ces personnages trop parfaits, tellement parfaits qu’ils en deviennent énervants et peu attachants. En quoi Nimue frôle la Mary-Sue (ou n’importe lequel des personnages féminins) ? Et bien, vous comprenez il faut qu’elle n’ait « aucune faiblesse et ce, malgré son côté/passé sombre (très sombre) et mystérieux (très mystérieux) parce que sinon, ça ne fait pas assez femme forte et indépendante mais en même temps comme il faut pas qu’elle soit trop distante humainement, on va lui offrir une super romance bien mielleuse avec un mec hyper mignon » (à prononcer avec une voix d’adolescente de quinze ans, svp).
Alors, déjà, le principe de « fort et indépendant » (que ce soit avec une fille ou un garçon, hein) marche quand on est face à un personnage qui a des faiblesses MAIS qui apprend à les vaincre. La faiblesse, c’est là l’un des principes nécessaires pour donner un parcours à son personnage. T’en as pas, t’as pas un personnage intéressant. Point.
Ensuite, si tu as besoin de justifier le « parcours » de ton personnage en lui donnant un passé sombre et mystérieux MAIS en ne le développant jamais (dans un sens où il reste flou parce que tu ne sais pas quoi raconter ou tout simplement parce que le personnage ne puise pas dans cette expérience douloureuse pour avancer), tu as le risque de te retrouver avec un personnage faussement complexe et BIEN ridicule. Et Nimue est BIEN ridicule avec son « ouin ! personne ne m’aime et en plus, alors qu’on vit entourés de magie et de la nature, et que je suis une apprentie prêtresse auprès de ma mère, tout le monde dit que je suis une sorcière et me rejette ! ». Surtout que, in fine, le passé maléfique sert trois épisodes, le temps de l’instaurer, de montrer que c’est pour cela que son clan ne l’aime pas et qu’elle le fuit et de nous expliquer de quoi il retourne (et encore ! A partir du moment où on nous apprend la parenté de Merlin et de Nimue, à peine amenée comme un cheveu sur la soupe, du reste, on ne pense PLUS JAMAIS à nous détailler davantage le mystère. Alors que, théoriquement, ça aurait quand même un intérêt de savoir quelles sont les conséquences de cette marque démoniaque, associée au pouvoir de l’épée et des pouvoirs naturels de Nimue, sur Nimue !).
Quant à la romance, c’est déjà compliqué de montrer comme « indépendant » un personnage qui ne prend ses décisions qu’en rapport avec ses plans culs/futures relations amoureuses (vous imaginez un peu si, dans Harry Potter, Harry et Ron se disputaient en PERMANENCE les faveurs d’Hermione ? Du premier au septième tome ?), alors quand c’est une femme… non seulement c’est frustrant parce que ça laisse sous-entendre qu’on ne peut faire QUE ÇA (tomber amoureuse du premier abruti qu’on croise) mais en plus, ça conserve l’idée que la femme est et restera toujours un objet de tentation… parce que, vous comprenez, ce ne serait pas drôle si TOUS les mecs ne tombaient pas sous son charme (les filles, mêmes lesbiennes, semblent résister, ce qui fait que je ne sais pas si c’est laisser sous-entendre qu’elles, au moins, ont une cervelle ou… si c’est parce que sinon, on n’a aucun personnage féminin avec qui l’héroïne peut discuter) ! Bon, on échappe à un triangle amoureux avec Gauvain et Arthur mais ce n’était tellement pas clair que jusqu’à la conversation ridicule entre les deux (alors qu’ils sont sur le point de mourir, que GAUVAIN, un gars qui a l’air d’avoir trente piges, le lui fait remarquer et qu’Arthur dit qu’il veut quand même être ôté d’un doute), je n’étais pas sûre ! Et puis, bon, soyons honnête, la romance entre Nimue et Arthur est tellement enquiquinante que je ne serai pas surprise qu’ils se séparent dans les prochaines saisons pour sortir, l’une avec le Moine Larmoyant (parce que, pourquoi pas ?) et l’autre avec la Lance Rouge (parce qu’on le sent TELLEMENT venir que ce personnage est Guenièvre. Je veux dire… JUSQU’AU BOUT ELLE EST DÉSIGNÉE PAR SON SURNOM RIDICULE !!!!)…


Passons à la partie qui devait faire « Game of Thrones »… je suis embêtée. Je suis embêtée parce que, avec The Witcher, ça fait l’énième série fantasy qu’on nous promet dans la veine de la série phénoménale et… je me demande sincèrement si les producteurs ont compris ce qui avait fait le phénomène de Game of Thrones. Et le seul problème est que, plus le temps passe, plus les dernières saisons de Game of Thrones laissent un souvenir mitigé, plus on oublie ce qui a fait son succès monumental. Rassurez-moi mais, ce qui a attiré à l’origine, chez Game of Thrones, c’est son univers fantasy, proche de notre réalité, notamment de par son histoire, ses civilisations et sa géopolitique très poussée, avec ses personnages d’une complexité incroyable et ses mystères magiques qui s’épaississaient au fur et à mesure (les marcheurs blancs ou les dragons, par exemple) ?
Parce que l’univers fantasy, comment dire ça ? Il est inexistant. On ne comprend à peine les règles de magie qui environne l’univers donc pour comprendre ce qui est en jeu ! Tenez, je vous ai dit que Nimue était considérée comme une sorcière parmi ses gens… sauf qu’on ne comprend tellement pas la société dans laquelle elle vit et son rôle d’apprentie prêtresse (en plus, elle devient « invocatrice » des Invisibles, au début de la série. Qu’est-ce que ça implique par rapport à ses pouvoirs, sa réputation et sa malédiction ?) qu’on ne voit pas ce que le côté sorcier ajoute à sa personnalité. Et puis, toutes les fées ont des particularités propres à chaque tribu bien que, dans l’ensemble, elles aient l’air humain. Quelle est la particularité du peuple de Nimue ? Aucune… enfin, si, une petite, quand elles sont en « contact » prolongé avec la nature… des feuilles apparaissent sur leurs tempes. Pas de tatouages, pas de signes tribaux (autre que se natter les cheveux, bien sûr), pas de signes physiques plus forts que ça ? Bah, non, vous comprenez, on n’allait pas passer des heures et des tonnes de maquillage sur notre actrice principale, c’est trop compliqué ! Rajouter des feuilles sur son visage numériquement, c’est plus pratique ! Alors, je veux bien, mais, encore une fois, qu’est-ce que ça implique dans l’histoire que la moitié des fées ressemble à des humains ? Plus de paranoïa, une possibilité d’hybridation, des erreurs commises pour les tuer ?
La géopolitique, ensuite : alors… ils ont eu la bonne idée de reprendre le « contexte » historique de la légende arthurienne, à savoir la chute de l’empire romain d’occident et la création d’un royaume de Bretagne « imaginaire » (Grande-Bretagne, bien qu’ici, ils font une erreur que toutes les adaptations récentes de la légende arthurienne font en parlant d’Angleterre) pour faire face aux « envahisseurs » saxons, angles et vikings. Personnellement, je ne trouve pas que ce soit une bonne idée parce que : 1) inscrire des légendes, mêmes si elles ont eu un but politique à une certaine époque, dans un contexte historique fixe est pour moi une grande stupidité car on peut prouver que, historiquement, ça ne s’est jamais passé ainsi. 2) les mecs parlent d’une époque historique mais ne la connaissent généralement pas du tout. 3) De toute façon, ils ne comptent même pas respecter le contexte historique !
Donc on a le droit à quelques références par-ci par-là sur l’empire romain mais les trois quarts de la géopolitique sont purement fictionnels. Et en plus d’avoir le cul entre deux chaises, la série ne prend jamais le temps de se poser et de nous expliquer la situation du pays. On comprend à peine que le roi Uther, qui l’est devenu dans un contexte trouble survenu à sa naissance, est assailli de prétendants au trône, de paladins rouges, chrétiens fanatiques, envoyés par le pape et des fées qui lui implorent son aide contre les massacres commis par les paladins, avec la complicité tacite du peuple, qui le fait, soit par peur des paladins, soit parce qu’il les préfère au roi. Inutile de dire que la géopolitique de Game of Thrones (qui, personnellement, a toujours été LE truc central à la série) était infiniment plus complexe.
Les personnages complexes : « mal équilibrés » serait une description plus juste. J’ai déjà expliqué pourquoi Nimue était mal présentée ; sans surprise, vous vous doutez bien que tout le reste est du même niveau (allez, soyons gentille et disons que seule Morgane arrive à relever le niveau et à donner un personnage à peu près intéressant). En fait, pour vous dire à quel point c’est du très mauvais boulot, j’ai mis trois semaines à voir dix épisodes (disons que j’avais autre chose à faire qu’à perdre mon temps) et lorsque j’eus terminé, j’ai repris toutes mes notes et… je me suis rendue compte que personne n’avait eu une évolution logique. Nimue, une paria rejetée par les siens et traquée par les humains, devenait par le plus grand des miracles une héroïne de la résistance ET une reine pour son peuple. Arthur décrit comme un Bad Boy (XD) sans foi, ni loi devenait un chevalier prêt à se sacrifier pour le bien commun. Morgane, religieuse et cheffe de la résistance fée, devient une entité magique après avoir été ensorcelée par la magie noire (encore une fois, qu’est-ce que ça apporte de plus, surtout par rapport à Nimue, autre victime de magie noire ?). Merlin, mage alcoolique qui a perdu sa magie on-ne-sait-comment, se découvre un lien paternel intense et décide de tout faire pour sauver sa fille du pouvoir de l’épée (là où il voulait juste la détruire avant) quitte à… reprendre l’épée pour retrouver sa magie et… et foutre tout le monde dans la merde ? Non parce que, apparemment, ça ne lui a jamais réussi de l’avoir en sa possession, Excalibur.
Bon, dis comme ça, ça vous paraît peut-être logique mais… c’est amené de manière tellement maladroite qu’à la fin, j’ai vraiment eu du mal à retracer le cheminement de chaque personnage pour comprendre comment ils terminaient ainsi à la fin de la saison 1.
Bon, après, les mystères magiques… là, ils sont à peu près tous résolus (et n’étaient pas d’une pertinence infinie).
Mais peut-être est-ce alors dans la mise en scène que la série se prend le plus pour Game of Thrones ? Euh… même la saison 8 de GOT n’était pas aussi mal filmée. Honnêtement, je suis gentille quand je dis que les transitions en « image animée » sont le truc le plus esthétique, car elles rappellent le style graphique de Frank Miller. Reste à savoir si elles sont toujours utilisées avec justesse. Non, vraiment, la mise en scène ne sauve même pas la série puisqu’elle est tellement molle qu’on assiste à des moments aberrants comme les scènes de combats/massacres où je vois plus la chorégraphie et les acteurs en train de simuler qu’une véritable scène intense en émotions (le pire est ce fichu semi plan-séquence du pilote où toute la scène de massacre du clan de Nimue pue la mauvaise chorégraphie à plein nez).
Mais le bouquet final est probable que l’essence même de la série est gâchée à cause du public qu’ils ont voulu viser : les adolescents, là où Game of Thrones parlait aux jeunes adultes et aux adultes (et ce, mêmes si des ados comme moi ont accroché à la série, très tôt). Du coup, c’est du Teen Fantasy douteux… étonnamment, ça a l’air d’être ce public qui est le plus dithyrambique.


Quant à la relecture de la Légende Arthurienne… c’est peut-être ce qui sauve le plus la série. Rien que l’idée de base est très bonne. Plusieurs le sont d’ailleurs. Mais elles restent toujours à un stade très frustrant parce qu’elles ne réinventent jamais le mythe (je commence à en avoir marre des auteurs qui, visiblement, ne se renseignent pas davantage que sur la période romantique ! les premiers écrits sont fabuleux !), à peine le dynamisent-elles d’une autre manière (par exemple, Arthur est le fils d’un chevalier pauvre, et Uther est un « fils caché »). De plus, avec tout ce que j’ai dit, vous comprenez bien que ce qui est le plus frustrant, c’est que les meilleures idées sont très mal traitées.


Peut-on espérer qu’ils s’amélioreront avec la saison 2 ? Honnêtement, je l’espère. Mais je pense qu’il y a un énorme chemin à faire pour que ça devienne une série de qualité et les showrunners en sont très loin ! Donc à moins de confier les rênes à plus compétent…

Créée

le 11 août 2020

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