La série allemande de Netflix Dark ne laisse pas indifférent, aussi subtile et complexe qu’un Twin Peaks, on ne pense pas au départ qu’on se perdra dans les méandres des boucles temporelles.
On fait d’ailleurs, à tort, trop facilement la comparaison avec Stranger Things quand celle-ci se pare d’une aura eighties pour caresser dans le sens du poil de toute une génération se repliant sur sa madeleine de Proust ; Dark traverse les années 80 seulement pour nous enfoncer dans sa noirceur et sa mécanique complexe du temps. J’y vois d’ailleurs beaucoup plus des empreints à Stephen King dans la sémantique avec la question du retour de disparitions d’enfants toutes les quelques décennies (27 ans pour IT, 33 ans pour Dark). Toutes ces disparitions étant intimement reliées, question de temps assurément.
Pourtant, une fois la disparition bien installée, la série se complexifie pour celui qui n’est pas avisé, car elle prend la direction de plusieurs retours dans le passé. Cela étant le casting des acteurs est assez bien réussie pour qu’on reconnaisse chaque personnage.
Mon acolyte a moins bien suivi les outrages du temps, mieux vaut donc vous prémunir de notes pour ceux qui auraient peur de s’y perdre.
La série prend donc de l’ampleur en profondeur à mesure qu’on remonte la boucle du temps pour mieux comprendre les enjeux du passé, présent, futur.
J’ai personnellement eu souvent du mal à comprendre les théories du retour dans le temps au cinéma, entre la ligne simple (comme Retour vers le Futur), la boucle (Terminator), voir même l’arbre aux multiples branches (l’Effet Papillon). Sauf que cette fois le tout est accompagné de philosophie, et si pour certains cela paraît trop compliqué, elle permet néanmoins de comprendre le fonctionnement d’une boucle, par le déterminisme de Dark. Prendre ainsi le temps d’ancrer son récit dans la cohérence me paraît donc opportun, et la série l’a parfaitement compris.
Mais Dark n’est pas dénuée d’incohérences : le premier épisode laisse apercevoir des choses qu’on délaissera plus tard, on se rappelle tous de la mauvaise expérience de Lost et de ses multiples théories jamais vraiment explicitées. De plus Dark, qui parvenait néanmoins à bien mener son cap, se targue sur la fin de mettre en exergue la mise en route de la saison 2. Du coup, elle ne boucle pas certaines grandes interrogations qu’elle avait enclenché, et laisse donc son spectateur perplexe face à une telle décision ;
sans compter que le twist final m’échappe par rapport à la compréhension des évènements, mais soit, nous verrons bien dans la saison prochaine.
N’empêche que la série parvient à faire de l’effet, chaque épisode révélant un peu plus la dimension unilatérale du temps qui se joue pour tous les protagonistes. En isolant ses habitants dans un village reculé (Twin Peaks en fond, ou le Derry de Stephen King), l’ambiance se pare d’une aura sombre et pluvieuse plongeant le spectateur dans la contemplation d’une bonne utilisation des images et du son. On peut d’ailleurs aisément comprendre avant les personnages ce qui leur arrive, la série distillant quelques images subliminales dans le générique tout autant qu’elle nous laisse faire notre propre cheminement sans en dévoiler le mystère.
Dark entre donc dans le panthéon des œuvres sur le temps par sa propension à poser ses bases sans sortir la grande artillerie qui bafoue les règles juste pour le divertissement (les suites de Terminator en tête, hélas), et propose donc un vrai cheminement, pour peu que vous arriviez à vous familiariser avec les personnages, pour mieux aborder leurs faiblesses et leurs actes.