Désenchantée
6.3
Désenchantée

Dessin animé (cartoons) Netflix (2018)

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Après 12 saisons glorieuses et 17 d'acharnement thérapeutique avec les Simpsons, le public a eu droit à la tragédie inverse dans la mort prématurée de Futurama. Comme pour apporter une conclusion, Groening revient pour une série qui se place explicitement dans leur continuité. Comme le dit le trailer : "Après le présent avec les Simpsons, le futur avec Futurama, que reste-t-il ? Le passé !" Mais déjà on parlait de Désenchantée comme d'une ultime convulsion, le come-back embarrassant d'une star grisonnante.
Si cette prédiction fut globalement juste, il y a quand même de bon points. L'ambiance est travaillée, les dessins et les lumières sont bluffants. Les couleurs patinés donnent une personnalité qui tranche avec le criard des deux séries précédents. L'usage de la 3D est surprenant de parcimonie, ne servant qu’occasionnellement dans des plans-séquence de paysages gigantesques. Seul bémol, c'est l'animation à la Groening qui, plus à l'aise dans les dialogues, galère dans les nombreuses scènes d'actions qui paraissent bien molles. L'autre point chouette, la musique qui oscille entre gigue irlandaise, klezmer... On échappe à de miteux solos de luth, on donne du peps, tout en donnant le cachet rétro qui colle à la série.
Mais à côté, beaucoup d'aspects dérange. Les personnages ne sont pas spécialement épais ou attachants : Bean la-princesse-indépendante-en-avance-sur-son-temps-et-les-convenances (accessoirement alcoolique, mais j'en ai assez de voir des scénaristes utiliser l'alcoolisme pour définir une personnalité) ; Elfo l'elfe niais ; Luci le démon sarcastique et très très méchant (il FUME).. Si le pitch fait déjà lever les yeux au ciel, l'absence totale d'alchimie entre les personnages s'avère plus rasoir. Au contact les uns des autres, les trois se ramollissent en une espèce de blob monolithique. Très rapidement, ils acquiert tous le même comportement de blagueur faussement cynique. Au final, aucune confrontation, aucune réelle discussion. Ils avancent ensemble vers leurs péripéties sans poser de questions. Ce problème est par contre en partie rattrapée par la qualité du doublage, anglais comme français.
Pour l'humour, c'est quand même bien vieillot. Si certaines ficelles groeningeoise (?) marchent encore (lisez toutes les pancartes que vous voyez dans la série, c'est toujours tordant), beaucoup d'autres semblent battues et rebattues. Beaucoup de gags visuels ont perdu le tempo débridé des séries précédentes ; on s'attend presque aux rires enregistrées lorsque Bean se fait une énième fois engueuler par Papa pour s'être murgé à la taverne. Sans compter les petits commentaires socio-politiques tout droit sorti des années 2000 sur la religion organisée.
Alors pourquoi Désenchantée est née déjà démodée, alors que Futurama fut comme une renaissance ? Je crois que le thème ne parle tout simplement pas aux scénaristes. Futurama canardait constamment les thèmes et interrogations de la science fiction, se payant l'horreur cosmique de Lovecraft, la grandeur contemplative de 2001 ou le manichéisme bêta des space opera. Chaque épisode fourmillait de références, qui n'apportaient rien en elle-même, mais démontrait que les créateurs connaissaient et aimaient ce qu'ils parodiaient. Dans Désenchantée, la fantasy semble n'être qu'un prétexte. Dreamland sonne un peu faux, comme si on avait étalé trop peu de références sur une tartine trop grande. Je ne vois pas grand chose d'autre que des bribes de cour de lycée sur le roi Arthur et éventuellement 5 minutes à regarder son cousin jouer à Dragon Age. On se retrouve avec un monde bricolé assez grossièrement, où des nains de jardins se battent contre des cyclopes sous les yeux d'un Oompa-Loompa que l'on essaye de faire passer pour un elfe, des créatures mi-hommes mi poisson qui ne servent qu'à resservir un lot de blagues contre les Japonais...
On a l'impression que le sujet fut imposé aux auteurs. Il ne semble pas coller à l'imaginaire de Groening ou des scénaristes, et Désenchantée semble au final n'être née que pour prolonger le sillage tracé par ses deux prédécesseurs. Et que donc, naturellement, l'équipe dût se rabattre sur des ressorts qui, s'ils furent révolutionnaires il y a 20 ans, sonnent aujourd'hui terriblement faux. Tout n'est pas à jeter, et j'ai trop d'admiration pour Groening pour ne pas recommander de la regarder. Abordez la série comme vous abordez votre mamie qui s'apprête à vous raconter la même histoire qu'à chaque visite : l'affection rends l'expérience agréable malgré tout.

Gabriel_Gazeau
5
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Créée

le 6 sept. 2018

Critique lue 195 fois

Graviel Zague

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