Dracula
5.9
Dracula

Série BBC One (2020)

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Tom Siegel et Jerry Chester étaient installés confortablement dans leur canapé, une bière à la main, les pieds sur la table basse du petit salon qui appartenait à Jerry. L'épisode arrivait à sa fin. Et c'était tant mieux. Cela faisait environ quatre heures trente qu'ils étaient là, affalés sur le divan à se demander dans combien de temps ça allait finir. Ils avaient oublié à quel point le temps pouvait être un véritable fléau parfois, quelque chose qui vous collait à la peau et dont il était impossible de se défaire tant il devenait important et gênant. Tom était persuadé que si Jerry n'intervenait pas toutes les cinq minutes pour dire de la merde ou juste pour s'esclaffer, la série serait bien plus ennuyante que ce qu'elle ne l'était déjà. Jerry répétait même à intervalles réguliers le mot "Quoi ?" comme pour souligner que cela n'avait vraiment pas de sens. La torture dura encore quelques minutes, juste assez pour que les deux compères puissent finir leur bière. Une fois que les crédits apparurent à l'écran, ce fut comme une délivrance. Ils avaient l'impression d'être des esclaves de l'antiquité romaine que l'on venait d'affranchir. Ce sentiment était assez singulier et ils étaient persuadés qu'ils n'avaient jamais ressenti quelque chose de semblable au cours de leur vie.


"Alors ?" Demanda Siegel. Chester ne répondit rien, il avait les yeux fixés sur l'écran de télévision. Il se demandait ce qu'il venait de voir. Une fois qu'il eut la certitude d'avoir vu défiler l'intégralité du générique de fin aux noms tous plus complexes les uns que les autres, il s'exprima :


"Je... Qu'est-ce que putain de quoi ?
- Ouais je suis d'accord. Répliqua Tom.
- T'en a pensé quoi ? Ne me dit pas que t'as aimé.
- Je suis mitigé, l'ami. On voit qu'ils ont tentés de faire des trucs mais... C'est mal exécuté.
- Pas faux. Bon. Au moins on peut lui reconnaître la qualité que l'on se fait moins chier que devant 2001. "


Les deux amis se regardèrent, laissèrent un blanc puis s'esclaffèrent du même rire débile. Par la suite ils attendirent que leur euphorie cesse puis, ils reprirent leur conversation.


"En soit, l'idée de faire évoluer Dracula à notre époque actuelle, ce n'était pas mauvais. Commença Siegel.
- Pas mauvais non, mais c'est mal fait. La scène où le Comte découvre ce qu'est un frigo en est la preuve. Dracula c'est une vraie tragédie moderne, l'apogée du roman gothique victorien, une épopée grandiose, une...
- J'ai compris, Chester. Viens en au fait.
- C'est pas une putain de comédie ! Sérieux, merde. Et encore si il n'y avait que ça... Regarde l'épisode trois. Y'a Dracula qu'est sur une appli de rencontre. Une appli de rencontre quoi. Putain. Il est où l'aspect tragique du personnage là-dedans ? Il est où le gothique, le fatalisme Stokerien le...
- Calme toi Jerry, ce n'est qu'une série.
- Ouais. Mais une mauvaise série. Ils ont massacrés un mythe moderne. 'Chier.
- Je dirai pas ça.
- Ah bon ?
- Nan. Je ne dirai pas qu'ils ont massacrés quelque chose mais plutôt qu'ils ont tentés des trucs qui ne fonctionnent pas. Du moins pour le troisième épisode. Les deux premiers étaient impeccables pour moi. On retrouve bien un univers assez glauque, macabre et même plutôt flippant. De plus l'idée de transformer un passage pas très important du roman en un épisode complet d'une heure et demie, il fallait de l'audace pour le faire. Je l'ai bien aimé celui-là, on fait face à un véritable huis-clos plutôt angoissant. Y'a de la tension c'est assez sympa.
- Ouais sauf que ce huis-clos serait efficace si l'on ne savait pas qui était le tueur.
- Là je dois admettre que tu n'as pas forcément tort, mais j'ai quand même bien aimé. Surtout que les acteurs sont bons.
- Ok j'avoue, j'ai été subjugué par le jeu de Claes Bang.
- Qui ça ?
- Celui qui joue le Comte.
- Oh. Oui je suis plutôt d'accord. Mais il n'arrive pas à la cheville de Gary Oldman.
- Oldman était bon dans le rôle mais le meilleur était Christopher Lee.
- Hmm... On en discutera. Plus tard.
- Soit. Et le reste ?
- Les autres acteurs je suis un peu moins fan mais ils tiennent largement la route. Je m'attendais à pire.
- Pas faux. On ne peut pas dire que c'était marquant en somme. Comme tout en fait.
- C'est comme ça que tu décrirais la série "pas marquant ?"
- Ouais. Et toi ?
- Médiocre.
- Vraiment ?
- Oui et tu connais mes arguements. Il y a trois épisodes. Le premier est très bien, le second un peu moins mais ça va et le troisième est une vraie blague. On dirait une descente aux Enfers presque.
- C'est un peu exagéré, calme toi Virgile.
- T'es sûr ?
- Ouais. Oh et puis libre à toi d'avoir ton avis. Pour moi ce n'est pas un ratage, juste une tentative qui n'a pas marchée."


Les deux compères en restèrent là. Plus tard ils virent dans la presse qu'ils n'avaient pas été les seuls à avoir ces deux avis différents. Certains critiques saluèrent l'audace de Steven Moffat et Mark Gatiss, les scénaristes, pour la tentative de faire évoluer le Comte au vingt-et-unième siècle. D'autres, au contraires, les descendirent pour le changement de ton marquant entre les deux derniers épisodes. Malgré ces divergences d'opinion, tous s'accordèrent sur un point : Dracula était une série médiocre qui était tout plus correcte. Rien de transcendant, rien de fascinant non plus. C'était une fiction oubliable et anecdotique qui ne rendait pas hommage à l'oeuvre de Bram Stoker et qui n'aura pas marqué son époque. Pourtant le pitch de base était intéressant, "Dracula dans les années 2020". Tellement de choses auraient été possibles. Les options envisageables étaient presque inifines même. Mais non. On se retrouve au final avec un goût d'amertume dans la bouche une fois la série terminée ainsi qu'avec un sentiment de déception qui s'accroche à nous, un peu comme la durée de cette série. Quatre heures trente. C'est long. Très long même. Trop long quand ce qu'il y avait à l'écran était fade et pas bien intéressant.


"Du coup Siegel, Oldman ou Lee ?
- T'as vraiment besoin d'une réponse hein ?
- Oui.
- Les deux sont géniaux. C'est indiscutable. Mais il n'y a pas d'interprêtation ultime de Dracula. Enfin si tu en as une, celle du livre. L'oeuvre originale a beau avoir été adaptée plus d'une vingtaine de fois, elle reste toujours plaisante.
- Pas faux."


Silence puis Chester reprit :


"Bon qu'est-ce qu'on regarde maintenant ? J'ai vu sur Twiiter qu'il y avait Dracula : Untold sur Netflix. Pour le coup ça, ça peut être sympa.
- Oh non ça me branche pas. T'as pas un truc plus original ? Genre quelque chose qui parle de loup-garous ou de la créature de Frankenstein par exemple ? Tiens d'ailleurs, "Frankenstein au vingt-et-unième siècle, ça donnerait quoi ?
- Je ne sais pas Tom et pour être honnête, je n'ai pas envie de le savoir."

L_artiste__
5
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le 22 juil. 2020

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