Engrenages par cinematraque
" Grosse surprise pour la saison 2. La production ne s’appuie pas sur le succès d’audience pour enquiller une deuxième saison du même acabit mais prend une décision courageuse. Elle change l’équipe de scénaristes et substitue à Guy-Patrick Sainderichin une écrivaine de polars, Virginie Brac, flanquée d’Eric de Barahir, flic de son état, qui sera consultant puis scénariste sur les saisons suivantes. Par ce changement, Son et lumière se donne les moyens de l’ambition que Canal + affiche depuis la création de la série, et fait montre de ce qu’on est bien obligé d’appeler une vision artistique. On est encore loin de l’équipe de The Wire, composée de la fine fleur des auteurs de polars US (George Pelecanos, Denis Lehane…), sous l’autorité d’un écrivain et journaliste qui connaît le terrain (David Simon), mais le choix se révèle payant et le contraste avec la première saison est total. Le premier épisode s’ouvre sur un « barbecue », le meurtre d’un homme, brûlé vif dans le coffre d’une voiture, filmé par un jeune garçon avec son portable, dans une banlieue de Paris. L’enquête sera l’arc scénaristique de la saison et amènera l’équipe de la police judiciaire à fréquenter les banlieues pourries de Paris, peuplées de petits dealers de drogues et de malades mentaux ultra violents, les lycées huppés de la capitale où la drogue circule, et le grand banditisme avec les frères Larbi. Ce n’est pas le moindre mérite de la saison que de redéployer la caractérisation des personnages principaux, qui gagnent profondeur et cohérence tout en imposant une série de personnages secondaires qui ont chacun leur voix personnelle (celle de l’avocat véreux Szabo, flippante), qui utilisent le vocabulaire de leur profession (le parler flic / le parler avocat / le parler judiciaire…) et même leur langue propre ( l’accent égyptien en arabe d’un personnage est commenté par les marocains, dans une scène de bar qui ancre la série dans le réalisme, mais fait aussi un petit appel du pied au travail de la langue cher aux scénaristes d’HBO, tels David Chase des Sopranos ou David Mills de Deadwood) . La virtuosité des dialogues, souvent très drôles, interprétés au cordeau par une distribution d’autant plus époustouflante qu’elle est composé en bonne partie d’acteurs qu’on n’a jamais vu et qui sont tous excellents (Reda Kateb, qui explose au cinéma, dans le rôle de l’affreux Mister Aziz), est également un des points d’appui de scènes moins spectaculaires mais tout à fait essentielles pour décrire les rouages de la justice et les points de contacts entre les différentes équipes, aussi bien chez les malfrats que dans les institutions qui traitent les enquêtes. "
Par Elsa Renouard pour Cinematraque
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