Engrenages s'est toujours donné pour mission d'ausculter la société française sans édulcorer le tableau. Pari une nouvelle fois réussi avec cette sixième saison, attendue par les téléspectateurs depuis presque trois ans.
Flanquée d'un nouveau commissaire un peu largué, Herville étant parti dans le 93, l'équipe du capitaine Laure Berthaud est appelée dans le 19e arrondissement : un tronc humain a été retrouvé enseveli sous des encombrants. Si l'identification se fait assez rapidement, la 2e DPJ n'est pas au bout de ses peines. En proie à des difficultés personnelles
– Laure a accouché d'une petite fille prématurée encore hospitalisée, Tintin se retrouve dans la tourmente du divorce alors que Gilou a bien du mal à se poser –
, les membres de la division sont intimement touchés par l'enquête : la victime est un collègue, officiant dans une grande ville de la banlieue nord. Une grande ville où il s'avère que l'on navigue en eaux troubles. Des policiers, éreintés, lassés d'être pris pour cible, se lancent dans des trafics peu reluisants. La maire achète la paix sociale en pactisant avec des caïds. Les habitants, déconsidérés, essaient de s'en sortir malgré tout. En bref, tout le monde fait ce qu'il peut... quitte à franchir les limites de la légalité.
La société décrite par Engrenages est sombre. Très sombre. A la limite du désespoir. Heureusement, Herville, qui dirige le commissariat de la ville de Seine-Saint-Denis au centre de l'intrigue, est là pour détendre l'atmosphère de ses punchlines sans équivalent. Car ces nouveaux épisodes n'épargnent personne, pas même les personnages principaux suivis – et aimés – depuis une dizaine d'années. Enquêteurs comme juristes, tous sont meurtris personnellement, pour des raisons diverses. Et certains en arrivent à faire de mauvais choix. De Gilou, constamment sur le fil, à Joséphine, avocate sans foi ni loi qui gagne en humanité dans les dernières saisons, en passant par le pourtant toujours très droit juge Roban, les masques tombent.
Haletante, cette nouvelle saison est portée par une écriture toujours juste et des comédiens inspirés, qui incarnent à merveille ces personnages aux failles grandissantes. Ancrée dans la société actuelle, Engrenages est avant tout une histoire humaine, et c'est en cela qu'elle touche irrémédiablement.
Publication originale sur likeinthemoviesblog.wordpress.com