Des dimensions et du futur

Il y a quelques années, je m’interrogeais sur l’omniprésence des séries à 10-13 épisodes par saison dominant le marché. Il se trouve que le format a encore évolué et que désormais avoir des séries de 8 épisodes, voire encore moins, semble être devenu la norme. Non que cela me dérange, cela donne juste une approche différente à la manière dont nous abordons ce médium. Or, au milieu des années 2000 (dont je rappelle encore même si j’étais encore un chérubin), avoir plus de vingt épisodes par saison était la norme !

Pourquoi ce premier paragraphe se focalise sur la structure des séries ? Car même si l’on pourrait qualifier Fringe de « série moderne », elle s’inscrit indubitablement dans son temps, et définitivement puisqu’elle s’est achevée il y a huit ans désormais. Une époque où il était encore normal d’avoir plein d’épisodes sur une saison. Une époque où on acceptait d’avoir des épisodes « stand-alone », ici composé d’enquêtes séparées. Une époque où le fil rouge se déroulait avec lenteur, avec peut-être seulement un quart d’épisodes d’une saison consacrés. Non que je sois nostalgique ni repoussé, il s’agit juste d’un format différent.

Une série à mystère évoque inévitablement la patte de JJ Abrams. Le bougre possède une réputation mitigée, mais nous nous accordons au moins sur le fait qu’il lance des concepts intéressants. Ici nous suivons les péripéties d’Olivia Dunham, fière enquêtrice, qui investiguera sur des phénomènes paranormaux. Pour sa noble quête, elle sera aidée du scientifique « excentrique » Walter Bishop, qu’épauleront son fils Peter et son assistante Astrid, le tout supervisé par l’agent Broyles. D’aucuns pourraient affirmer qu’il s’agit donc d’un mélange entre X-Files et Esprits Criminels, une série « policière » mêlant science-fiction et fantastique, mâtiné de quelques touches horrifiques, et ils ne s’inscriraient guère en faux.

Avec ce format, un défaut notable peut être imputé : le récit met du temps à démarrer. La première saison se différencie peu de séries d’enquête dites classiques, ralentie par quelques redondances. C’est bel et bien au cours de la saison que l’emprunte se marque et que l’histoire prend son envol. Fringe ne s’embarrasse aucunement du concept de « réalisme » et nous propose une aventure composée de voyages dimensionnels et temporels sans jamais perdre un instant en crédibilité. Nous avons déjà vu des monstres loups-garous, des gens défiant la gravité, des personnes asphyxiées parce que leurs orifices se ferment (assez horrible comme fin d’ailleurs…), alors pourquoi avoir des doubles « plus badass » poserait un problème ? Dès ce moment, même si la série reste composée d’enquêtes au moins jusqu’à la quatrième saison, de nouvelles idées émergent en cohérence avec l’évolution du format.

Au-delà de son genre et de son écriture, ce qui m’a immergé dans Fringe était aussi ses aspects plus « émotionnels ». Olivia est une héroïne qui encaisse beaucoup, à la fois victime et actrice de sa vie mouvementée, et souvent ai-je ressenti de la peine pour elle bien qu’elle se relève toujours. La même remarque peut être attribuée à Walter : alors que je connaissais John Noble uniquement pour son rôle de l’abject Denethor, il nous a ici livrés sans doute la meilleure performance de la série. Il incarne un personnage touchant, hanté par une version de lui « plus maléfique », un mauvais père mais un bon personnage. C’est à travers son prisme que Peter devient intéressant, notamment par ses « origines », autrement le fils m’aura hélas moins marqué.

L’habituelle conclusion : une série très bonne, et bien ancrée dans son temps !