Du superbe des thrillers suédois

Kalifat (2020) traite d'un sujet sensible qui a marqué les années 2010: l'explosion de la radicalisation de jeunes européens partant faire le Djihad en Syrie. Thème alléchant couplé à une production suédoise. Les pays du Nord excellant particulièrement dans le genre du thriller et du polar, il n’en fallait pas plus pour lancer la série.

Ici, on s'intéresse à plusieurs personnages aux profils différents mais pourtant tous liés les uns aux autres. Il y a d'abord Fatima, agente à la Säkerhetspolisen (service de la sûreté de l'État de la Suède), qui rentre en contact avec Pervine, une jeune femme partie à Raqqa avec son mari et qui souhaite désespérément s'enfuir du cauchemar éveillé qu'est son quotidien. Sulle est une adolescente à l'esprit vif qui se fait embrigader petit à petit par un des encadrants de son école, Ibbe. Un peu plus en retrait, il y a aussi un jeune Suédois endoctriné en prison entraînant son petit frère un peu simple d'esprit dans un projet d'attentat.

La série se regarde très facilement et passé le premier épisode d’exposition, le spectateur est happé par ce thriller haletant et sombre. Si les femmes ont la part du lion en terme de casting, les quelques personnages masculins qui jalonnent le récit n’en sont pas moins importants. Il faut souligner la grande qualité d’interprétation des acteurs qui brillent tous dans l’étendue des sentiments complexes qui les animent: la confrontation avec les parents, la recherche de certitude dans la période trouble de l’adolescence, la recherche d’identité, les désillusions, la peur au ventre, l’amour, la haine. En quelques épisodes, la série arrive à traiter de manière soignée et plutôt complète beaucoup de problématiques liées à la radicalisation de jeunes européens d’origine musulmane ou non. Les portraits des protagonistes sont travaillés et proposent de la profondeur bienvenue (le mari de Pervine par exemple).

Malgré quelques moments de lucidité, plus ou moins tardifs, de la part de certains personnages, la fin est très amère et noire. Cette fin est pourtant ô combien réaliste et sans concession sur l’impact d’un enchaînement de mauvais ou de bons choix. Comment ne pas avoir la boule au ventre avec

ou

Par ses portraits entrecroisés et son traitement à vif de ce vrai drame des années 2010, Kalifat vaut le coup d’oeil et offre une belle perspective du tragique absolu de ce qui est encore malheureusement d’actualité.