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Lady Whistleblown retrace avec délice les premiers pas de débutante de l’aînée de l’illustre famille Bridgerton, Daphné, qui va tomber sur le charme du tout nouveau duc de Hastings…


J’ai été assez surprise par la qualité de la série. Par certains aspects, elle est à la fois très moderne, pertinente, et assez respectueuse de sa période historique qu’est la Régence anglaise. Elle propose aussi des pistes historiques intéressantes et peu connues comme la reine Charlotte de Mecklembourg-Strelitz métisse (beaucoup pensent qu’elle avait hérité du gêne africain de sa lointaine ancêtre, Madragana Ben Aloandro, qui était probablement noire). J’ai aussi été frappée (que dis-je ? Choquée) d’avoir succombé aussi facilement à son récit et d’avoir dévoré les huit épisodes de la première saison avec une hargne inconnue.
Choquée, je peux l’être car, soyons honnête, même si on fond sans aucun problème pour le couple Daphné-Simon et les membres de la famille Bridgerton… il ne se passe quand même pas grand-chose de très intéressant !
La faute à son support d’origine : une saga littéraire très développée, traduite en plusieurs langues, qui tourne autour des difficultés d’une fratrie de huit (devinez leur nom de famille…) pour conclure chacun. Comme nous sommes au XVIIIème siècle, inutile de préciser que leur plan pour conclure implique le mariage et non la séance au lit (bien que nous en aurons forcément droit, à de nombreuses séances au lit). Les intrigues, que j’ai découvert au travers de la quatrième couverture de chaque livre (neuf au total), m’ont l’air assez prenante mais c’est et ça reste des romans à l’eau de rose. Autrement dit, pas un genre très original et très passionnant.
Et l’histoire de Daphné et Simon est la meilleure preuve que c’est de la pure romance à l’eau de rose. Tous les clichés sont là et Dieu soit loué ! les acteurs ont une véritable alchimie à l’écran qui fait bon à voir. Parce que sinon, je ne vous raconte pas le calvaire que le visionnage serait, avec tous les clichés qu’ils nous sortent, des discours langoureux aux disputes puériles. Si j’avais par compte une remarque à faire : ça part un peu en couilles après leur mariage pour (un peu) aucune raison. Le quiproquo à l’origine de leur dispute est franchement con et aurait pu se développer/se résoudre d’une manière différente et plus courte (donc moins crispante mais aussi moins intéressante, je sais) avec… moins, beaucoup moins de moments gênants.
Je parle évidemment de la petite scène de viol, qui aurait vraiment pu être abordée autrement que dans le livre (pourquoi faut-il toujours un viol dans un roman à l’eau de rose ? Parce que sinon, ça ne respire pas assez le sexe ?). En règle générale, les trois quarts des scènes « sexuelles » auraient pu être abordées d’une autre manière mais, comme c’est Netflix, il a fallu faire très explicite et ce, de nombreuses fois, pour pas grand-chose in fine. De plus, j’ai récemment regardé Tiny Pretty Things, une autre série Netflix et franchement, je pense qu’on peut parler de leurs plans cul comme étant d’un style Netflix. Même manière de filmer les corps, de montrer l’action, de montre l’après, c’en est quelque peu ridicule. Enfin bon, ça reste toujours plus agréable que la version hard porn typique de Game of Thrones (des premières saisons en tout cas).
L’autre grand problème de cette série est ses intrigues secondaires. Elles sont très prenantes et nous divertissent comme il faut, le temps que Daphné et Simon concluent ensemble. Mais il y a un moment donné… on sent qu’on a besoin de quelque chose, d’une flamme pour réveiller le tout et donner à Lady Whistledown un vrai dynamisme (et une vraie raison d’exister mais ça, nous en reparlerons). Je ne sais pas, moi, un meurtre, un incendie même un simple accident de carriole mais quelque chose, bon sang !
Si on commence la série, totalement conquis, on la termine un peu lassé de la longueur des intrigues, des conflits et les personnages deviennent quelque peu enquiquinants : Marina se tape tous les rebondissements possibles et inimaginables qu’une fille non-mariée et enceinte peut se taper dans un Period Drama, la découverte de la vie de bohème de Benedict perd un peu de son intérêt, la romance interdite d’Anthony casse les pieds tant elle est mal gérée, les hypothèses sur qui est Lady Whistledown d’Eloïse sont plus intéressantes que la révélation finale (très prévisible, certes, mais du coup, c’est atroce ce qu’elle a fait à Marina pour une jalousie amoureuse !), sans parler du fait qu’ils ont commis la même bêtise qu’avec Gossip Girl à savoir ne pas conserver le mystère qu’est Lady Whistledown (non seulement, ils le lâchent à la fin de la saison 1 mais en plus, tout l’aura qui aurait pu avoir autour de ce personnage est totalement détruit). En plus, le personnage n’avait déjà pas grand-chose d’intéressant à apporter à l’histoire, à part la douce et tendre voix de Julie Andrews, qu’on aurait presque pu se débarrasser du personnage. Je sais que c’est le moteur de la série mais, honnêtement, on nous survend ce personnage pour par grand-chose : elle vient de commencer sur le marché de la rumeur et TOUT LE MONDE la traite déjà comme LA référence, y compris la reine, au point que mêmes les hommes lisent régulièrement son journal (un truc qui ne devait pas se faire à l’époque, tant c’était une activité « féminine »). Elle se contente plus de commenter ce que nous avons à l’écran que de proposer une véritable rumeur pertinente. Et puis, je suis désolée mais ce qui rend son mystère aussi entretenant, comme celui de Gossip Girl, c’est justement parce qu’il ne peut théoriquement pas être résolu ! Aller me le résoudre de cette manière, en plus…
En fait, les intrigues secondaires deviennent aussi fades car les showrunners ont dû rester fidèles aux livres de base et ça se sent un point navrant, surtout qu’ils n’arrivent pas à jongler avec les désidératas de Netflix : il faut de l’homosexualité dans le tas ? Pas de problème, on a justement un frère Bridgerton qu’on n’arrive pas à exploiter correctement pour le moment. Il va donc rencontrer un peintre homosexuel… pardon ? Ah, non, pas du tout, il n’aura pas une relation amoureuse avec ce peintre puisqu’il doit épouser une nana dont il est follement amoureux dans deux saisons. Donc il faut qu’il soit 100% hétéro (en faire un bisexuel ou un pansexuel, c’était déjà trop compliqué). Or, c’est dommage parce que, comme tout est d’un prévisible, le fait de nous détromper est encore plus frustrant qu’on pourrait le croire : comme on nous montre rien d’intéressant en échange, ça soûle un peu.
En parlant du carnet de doléances Netflix, leur deuxième condition, la représentation ethnique, a été bien effectuée mais peut-être pas bien fait. C’est un truc que j’ai remarqué en suivant une instagrameuse spécialiste des costumes historiques et d’origine asiatique : il y a du colorisme dans cette série, c’est assez déstabilisant, en plus du fait que les asiatiques ne prononcent même pas UN mot de toute la saison 1 ! Oh, et aussi, alors qu’ils vendaient l’égalité ethnique de la série avec un « parce que ta gueule », ils ont essayé de donner une explication dans l’un des épisodes et… l’explication est bancale, sans surprise ! En plus de poser des questions sur comment les ethnies non-blanches ont pu en une question d’années et non de générations faire disparaître des éléments comme le racisme institutionnalisé (un élément sociétal que certaines personnes expliqueront mieux que moi comme étant encore aujourd’hui très difficile), ça met en avant tellement d’étrangetés comme : comment a-t-on pu se battre pour l’égalité ethnique mais le féminisme n’a pas émergé correctement ? Si on ôte cette petite explication, la suite est parfaitement logique : on vit sous une Régence fantasmée où il n’y a pas de distinctions de couleur mais de sexe, point.
Bon, j’ai conscience que j’ai beaucoup craché dessus malgré la qualité indéniable de la saison. La conseillerai-je ? Oui, à ma grande surprise. Ai-je envie de voir la suite des aventures de la famille Bridgerton ? Indéniablement oui, mais j’apprécierai, comme d’autres, qu’ils modifient certains détails. La boîte de production Shondaland Media a eu l’intelligence de jouer des clichés amoureux de cette saga à l’eau de rose dans la première partie de la saison, qu’elle continue ! Qu’elle n’hésite pas, non plus, à prendre ses distances avec l’intrigue des romans quand elle développe ses personnages différemment (qu’elle ne les fasse pas revenir au point de départ ou sur le chemin d’à côté sous prétexte que pour adapter le tome suivant, c’est plus pratique) ! Oh, et si on pouvait aussi être un peu moins hypocrite sur la question ethnique ça serait sympa, déjà que les deux familles principales qu’on suit sont blanches, si en plus la boîte de Shonda Rhimes n’est pas fichue de respecter ses propres ambitions…
PS : Qu’ils pensent à détailler, dans les futures saisons, un peu plus le futur parcours de leurs personnages, en introduisant déjà telle personne qui apparaîtra pour telle personnage ou en trouvant une vraie ligne narrative pour tel personnage qui n’en a pas vraiment (petite pensée pour la reine qui, à l’exception d’UNE scène où on la voit avec son époux le pourtant très célèbre George III à qui nous devons la période de la Régence, se contente de s’ennuyer, dicter des trucs aux gens, dont nos héros, et avoir l’air froide et distante).

Créée

le 10 janv. 2021

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