Espoirs déçus.

Un peu d’horreur made in France, on est preneurs, pourquoi pas ? Le hic, justement, c’est que c’est bien trop français tout ça. Il semble qu’un complexe d’infériorité ronge les showrunners du pays. Ils donnent sans cesse l’impression d’être saisis d’une vague angoisse de ne pas faire assez bien, ou pour parler plus simplement, de ne pas proposer quelque chose de suffisamment intello. Refusant d’assumer l’étiquette de pur divertissement, l’intention sous-jacente d’offrir quelque chose de « qualitatif » plane lourdement sur la série. En témoignent ne serait-ce que les épigraphes au début de chaque épisode. Si elles se justifient comme un clin d’œil littéraire à son personnage principal d’autrice, le travail n’est, hélas, pas à la hauteur de telles prétentions.
Il s’installe alors un décalage abyssal entre ces aspirations et le contenu de chaque épisode. La série se rêve comme une synthèse réussie de la cultupre pop’ horrifique contemporaine à la sauce frenchy, mais ça ne prend pas. Elle l’opère très maladroitement (à l’inverse d’un Stranger Things par exemple) si bien qu’on a plutôt affaire à une accumulation indigeste. Elle mange à tous les râteliers de façon insipide : sorcellerie, bondieuseries exorcisantes, bandes de potes, alternance des arcs narratifs présent et passé, le cauchemar qui envahit la réalité… N’en jetez plus ! Alors, on attend que la série déroule chaque épisode comme une liste de clichés mal dégrossis. Il ne suffit pas de connaître ceux-ci comme on maîtriserait ses gammes, sans âme, pour ébahir la galerie. Le gore n’est pourtant pas trop mal ; il fait son petit effet. Le montage dynamique donne du rythme. La réalisation a quelques bonnes idées. Mais cette série ne parvient pas à se décider finalement. Elle ne veut pas basculer du côté de la parodie, mais refuse aussi de verser dans l’horreur plus mature. On sent bien l’intention d’en faire un produit de culture pop’ sympathique avec ces transitions en pages qui se tournent pour souligner notre point de vue surplombant, pour qu’on prenne du recule et qu’on s’amuse des pérégrinations de ces petites figurines que sont les personnages, mais, il n’y a rien à faire, ça ne prend pas.
Enfin, on ne parlera jamais assez de l’impact de la géographie sur une fiction horrifique. Comment, dans l’hexagone, peut-on croire encore installer sans embûches le topos du village maudit où se multiplient les événements fantastiques ? Dans l’immensité des États-Unis, une u-topie, au sens étymologique du terme, est encore crédible, mais par chez nous, beaucoup moins.
De toute façon ce souci de crédibilité se pose de manière générale dans la série. On ne croit guère à certaines situations qui ont le don de susciter la gêne tant elles tombent comme un cheveu sur la soupe. Certaines idées appellent même franchement à l’hilarité, comme cette tentative de métempsychose du démon vers le pauvre chien du curé. Les personnages eux-mêmes ne sont guère plus crédibles et les acteurs adultes sont, il faut bien le dire, plutôt décevants, quand bien-même on voudrait les encourager. On ne s’attache pas à ces personnages qui sont pratiquement tous des coquilles vides. En revanche Luna Lou et Lucie Boujenah tirent quand même leur épingle du jeu.
C’est à regret une occasion manquée. De bonnes intentions qui tournent mal. Dommage… La série aurait même pu prétendre à une modeste réhabilitation de la littérature. Pour les amateurs chauvins de fantastique, il faudra encore patienter.