Une perle en termes de navet

Il n’y a pas si longtemps que ça, je me suis risqué à écrire tout ce que je pensais du fameux Durendal. J’en avais besoin. J’en avais marre de pester régulièrement tout seul ou à plusieurs sur ce que j’estimais être une imposture. J’avais besoin de mettre des mots dessus et de partager… Et si je vous parle de cela pour aborder « Perle ou Navet » c’est parce que, parmi les principaux griefs que je dressais à l’encontre du bon vieux Dudu, je mettais notamment en avant le fait qu’en s’imposant assez facilement avec des productions aussi médiocres, il ne pouvait que favoriser la multiplication de petits bébés Durendal, c’est-à-dire la multiplication de ces gens attirés par le fait de gagner leur vie en ne faisant qu'une vidéo facile par semaine ! Et l’air de rien, il y en a déjà un paquet de ces « bébés Durendal » qui viennent saturer le Youtube français. Entre les « Cousins font du cinéma », « critique masquée », « MJ » et tous les autres, j’aurais pu en choisir des dizaines pour tous leur faire le même reproche. Pourtant, au final, c’est sur cette « Miss Navet » qu’il a fallu que ça tombe. Et certains pourraient légitimement se demander « Pourquoi ? »

Eh bien tout simplement parce que de tous ces bébés Durendal, c’est elle qui vient le plus me pourrir mes « recommandations » Youtube ! Voilà pourquoi ! J’ai beau ne pas avoir de compte Youtube et passer mon temps à « C-cleaner » comme un porc mon PC, au bout d’un moment je finis toujours par me bouffer du « Perle ou Navet » dans mes recommandations… Et tout ça pour quelle raison ? Eh bah tout ça parce que je m’intéresse au cinéma et qu’il y a des bébés Durendal comme elle qui spament comme des bourrins en jouant avec les algorithmes Youtube afin de mieux s’imposer sur ma pauvre page qui n'a rien demandé !

Parce que bon, je suis désolé, mais quitte à vouloir s’imposer sur Youtube, au bout d’un moment il serait peut-être bon de chercher à s’imposer pour de bonnes raisons. Les « Fossoyeurs de films », « Karim Debbache » et autre « M. Bobine », s’ils sont arrivés à se constituer un public (moins pour M. Bobine d’ailleurs et c’est dommage je trouve), c’est parce qu’ils ont su fournir un travail pertinent ; un travail qui apporte une vraie plus-value. Là, dans « Perle ou Navet », qu’est-ce qu’on a ? Une femme lambda qui parle pendant sept à dix minutes juste pour nous dire ce qu’elle a ressenti, sans aucun effort d’analyse, de construction, de mise en scène et de montage.

Premier détail tout bête qui me choque notamment ici, c’est la gestion de la voix et du discours. Le phrasé a souvent un rythme saccadé, avec des voyelles qui s’allongent et qui montent comme le font souvent tous ces gens en soirée qui veulent absolument garder la parole à eux malgré le fait qu’ils n’aient plus rien à dire. Et encore en soirée, ça peut se comprendre et ça passe. Mais quand tu fais ça sur une vidéo Youtube, moi je trouve ça juste insoutenable. Et il faut qu’en plus se rajoute à ça ces symboles de fainéantise suprême que sont les « heeeeeu » à rallonge. L’idée est-elle venue chez Miss Navet de les raboter au montage ? Bah non penses-tu !

Désolé, mais moi des détails comme ça, ça me choque. Au bout d’un moment il faut quand même accorder un minimum de considération à son spectateur il me semble… Mais bon, après j’ai presque envie de ne pas lui en vouloir sur ce point parce que je ne suis même pas sûr qu’elle ait pris conscience que c’était un problème. Je ne suis vraiment pas sûr qu’elle ait la sensibilité ni la science suffisantes pour avoir le recul nécessaire sur ces questions formelles là. Il suffit d’ailleurs d’écouter le contenu de ses vidéos pour s’en convaincre.

Moi c’est notamment ce à quoi je me suis risqué pour me faire mon idée. Je me suis fait ses premières reviews de 2018. Eh bah qu’est-ce qu’on en tire au final ? Personnellement, rien du tout. Je n’en retiens rien. Je n’en apprends rien. Quand la vidéo se finit, je n’ai même pas retenu quel était l’angle apporté. En guise de comparaison, moi quand je ressors d’une vidéo du « Fossoyeur » je me dis toujours : « Ah tiens, ça je ne l’avais perçu comme ça… / C’est un angle intéressant… / Je ne suis pas d’accord avec cette interprétation… » Mais si ça arrive à chaque fois, c’est parce que le « Fossoyeur » poste quand il a quelque-chose à dire qu’il estime ne pas avoir entendu ailleurs. C’est ce qu’il a déjà annoncé comme démarche lors de l’une de ses FAQ et c’est effectivement ce que je perçois en le suivant.

Là, chez « Perle ou Navet », on parle quoi qu’il arrive, même si ce qui doit ressortir au final c’est juste une longue liste de jugements péremptoires : « Cette actrice est tout bonnement excellente (Ah ? Intéressant… Mais pourquoi ?) / L’histoire est poignante. (OK… C’est-à-dire ?) / Tout fonctionne mais je ne m’y retrouve pas. (D’accord… Donc pourquoi tu dis que ça fonctionne alors ? On explore ça ?) / Il y a énormément de qualités cinématographiques dans ce film » (Soit… Et on va en parler ou pas ? Ah ? Non ?), etc…

Et en plus il faut que toutes ces informations soient diluées dans des répétitions ou des ruptures assez dingues au sein d’un propos qui n’est pas construit du tout. Moi j’ai par exemple le souvenir d’une vidéo (celle de « 3 Billboards » il me semble) où elle te sort comme ça d’un coup en plein milieu d’une phrase : « Bon en fait c’est une tragédie grecque. » L’affirmation est posée là, d’un coup, sans amorce ni rien. Et là encore je pourrais y ajouter la remarque suivante : « pourquoi cette déduction ? » Eh bah, là non plus : pas d’explication. Moi d’ailleurs, je ne suis pas d’accord avec cette affirmation là : pour moi « 3 Billboards » n’est pas une tragédie grecque (mais alors pas du tout). Mais le problème c’est que je ne peux même pas dialoguer avec le propos qu’on me tient puisqu’à aucun moment on ne m’a expliqué sur quoi a reposé cette conclusion !

Et malheureusement ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres ! Et je trouve ça sincèrement assez affligeant… Je lisais dans une critique 10/10 concernant cette émission (la seule critique et note du compte d'ailleurs... Miss Navet, as-tu osé faire ce que je pense ?) qu’il était désobligeant de la casser sèchement sous prétexte que ce genre de production représentait un gros travail. Eh bah moi, ce genre d’arguments là, je ne peux vraiment pas le retenir parce que – je suis désolé – mais le travail, dans cette émission, je ne le vois même pas. Des phrases hésitantes qu’on ne reshoote pas. Des cuts barbares en plein milieu de phrases. Des « heu » qu’on n’élague pas. Un propos qu’on ne construit pas. Des cheminements qu’on ne conduit pas. Des arguments qu’on n'énumère pas… Mais ces vidéos c’est juste du gros œuvre même pas dégrossi ! Le genre de gros œuvre que tout le monde est capable de faire et dont tout le monde se fout...

A partir de quel moment l’auteure s’est dit que ça, ça méritait d’être posté et relayé par toute une batterie de réseau sociaux ? Surtout qu’elle annonce qu’elle écrit aussi des critiques sur tumblr ! Mais, à ce niveau là, c’est quoi la plus-value de Youtube par rapport à une critique écrite ? L’écrit, ça se lit vite, ça se survole, ça tolère la légèreté, et en plus – si on a la lucidité de poster tout ça sur des sites d’agrégation comme « SensCritique », « Allociné » ou bien encore « DVD Classic » on peut même offrir aux utilisateurs une vraie gamme d’avis larges et diversifiés, construits ou non…

Donc pourquoi Youtube au fond si c’est pour maitriser aussi mal le format vidéo, la prestance à l’écran, et n’en tirer finalement que des faiblesses ? …Eh bah pour moi la réponse me parait évidente. Pour moi, l’explication elle tient dans le fait que Miss Navet, depuis le départ, ce n’est rien de plus rien ou de moins qu’un simple bébé Durendal ; c’est-à-dire quelqu’un qui veut juste qu’on la regarde ; qu’une communauté se constitue autour d’elle, et qu’elle devienne le centre de quelque-chose… Alors oui, je comprends d’un côté : quand on voit Durendal, on se dit que tout le monde peut le faire et qu’après tout « pourquoi pas moi » ?

Mais bon, d’un autre côté, ce n’est pas parce qu’on peut le faire qu’on le doit. Faire son bébé Durendal, c’est noyer les contenus intéressants dans des flots d’insignifiance. C’est contribuer à la consommation sans cesse croissante des serveurs de Google. C’est aussi entretenir cette culture de l’ego à tout prix. Alors face à tout ça : pitié ! Pensons à notre société. Pensons à la planète. Arrêtons d’alimenter les bébés Durendal… La planète vous dira merci. Et, dès que cette émission disparaitra de mes recommandations Youtube, moi aussi…