En attendant son prochain film – Babylone, prévu pour 2021 – Damien Chazelle s’offre le petit écran par le truchement de Netflix avec The Eddy. Un choix qui confirme le positionnement de la plateforme reine en faveur des films d’auteur, et le caractère jamais rassasié du réalisateur canadien, biberonné au jazz depuis tout minot.
Autant vous le dire de suite, The Eddy est de ces productions de niche qui n’est pas à mettre entre toutes les mains. Elle est en tous les cas destinée à 2 cœurs de cible : les cinéphiles et les amateurs de jazz.
Les premiers seront séduits par l’aspect réaliste de la série, lorgant presque vers le docu-fiction en s’appuyant sur un mode de tournage caméra-épaule et un style très libéré. On notera avec attention la différence de traitement, notamment en terme de photographie, entre le club de jazz où se réfugient les personnages et leur environnement extérieur, le tout dans un Paris fiévreux et mélancolique comme on ne l’avait pas connu depuis Hemingway.
Les seconds apprécieront l’effort d’immersion dans cet univers taiseux, pas toujours facile d’accès, rempli de codes culturels et qui recèle de richesses inespérées si tant est qu’on prenne la peine de s’ouvrir à lui. Ce bien que la musique ne tienne pas une place aussi prépondérante qu’on aurait pu l’imaginer. Pourtant, Chazelle l’a imaginé centrale depuis la genèse du projet : la série raconte comment les personnages se réfugient dans la musique pour panser leurs maux. Comment le jazz accompagne leur joie, leur tristesse, leur folie. Et comment la musique peut rassembler les cultures, les origines (on revient à notre idée d’opposition des univers intérieurs et extérieurs).
Là-dessus, The Eddy remplit son contrat, et prend parfaitement le temps de bien dérouler le background de ses personnages (chaque épisode se focalise sur un personnage et porte le nom de celui-ci) à la manière de Lost. Là encore, cela aurait pu marcher si les interprétations n’étaient pas très inégales, nonobstant les efforts – Cocorico ! – de Tahar Rahim et Leïla Bekhti. Si ton personnage est anti-charismatique comme Elliot, qui porte le pilote, on aura tôt fait de délaisser l’écran pour taper un Candy Crush en même temps. Sans compter le fait qu’à force d’étirer les intrigues individuelles et communes, au bout du compte, cette première saison n’est pas des plus bavardes.
Soit, que reste-il à The Eddy pour briller suffisamment aux yeux du grand public ? La nature « film à sketches » du projet, selon laquelle les 8 épisodes sont partagés par 4 réalisateurs ? Sur le principe, on peut pas renier l’intention première qui offre à chacun de proposer sa vision et sa mise en scène à la chose. Encore faut-il pouvoir parler une langue commune, propre à Chazelle avant tout, et la traduire avec la bonne pédagogie auprès de son public. Chou blanc donc…