The Good Wife
7.1
The Good Wife

Série CBS (2009)

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Alicia Florrick distribue des fessées (saison 5 et 6)

Saison 5 :

Le titre du dernier épisode de la saison 5, « A weird year », donne le ton. Bizarre, l’année l’a été pour les personnages, mais aussi et surtout pour les spectateurs. Renouvelant un show qui ronronnait depuis deux saisons, les créateurs, Robert et Michelle King développent et assument les conséquences du twist de la saison 4 : le départ de la discrète Alicia avec ses clients déchaînait la colère de tout le cabinet et, accessoirement, de son ex-futur amant, menant à une haine sans merci entre son ancienne firme et le nouveau cabinet. Ainsi, dans la stimulante saison 5, les personnages qui luttaient ensemble dans un but commun s’entre-déchirent. Gonflés à bloc, les créateurs prennent le spectateur, qui attendait l’accomplissement d’une romance entre Alicia et Will, à contre-pied et le placent dans l’inconfortable position de l’enfant incapable de choisir un camp lors du divorce de ses parents.

Cet habile retournement de situation évite le recours paresseux au conventionnel triangle amoureux. Au lieu de nous offrir le choix définitif d’Alicia entre un mari en pleine rédemption et un amour de jeunesse, entre vie de famille et sexe caliente sur le canapé du bureau, les scénaristes lui ont offert le chemin de l’autonomie, délaissant ces histoires romantiques pour fillette au profit de son épanouissement professionnel. Plus originale est la transformation d’une Alicia Florrick en pleine possession de ses moyens, qui n’hésite pas à se battre, laissant de côté une loyauté étouffante pour mener sa carrière tambour battant, même si cela veut dire sacrifier un amant dans l’affaire.

Deuxième recadrage de la série, le dézingage de l’un des acteurs principaux, et cela sans que rien n’ait fuité, créant choc et incompréhension totale des fans. Intervenue tard dans la saison et sans préparation, cette mort bénéficie de toute la force de la surprise, et crée l’électrochoc nécessaire à la réanimation de la série. Mais, et ce n’est pas la moindre des innovations, il reste encore un bon tiers de saison où beaucoup d’autres considérations comblent le vide laissé par cette mort (notamment les jeux de pouvoirs entre les firmes), et on passe très vite à autre chose puisqu’Alicia doit rapidement se remettre en selle. Car si les questions de sa tristesse et de sa fidélité à un mort ne sont pas totalement éludée, elle a bien d’autres chats à fouetter. Son implication dans l’entreprise va lui demander toute son énergie et elle n’aura pas le temps de s’appesantir sur son sort. D’ailleurs, Alicia décide aussi de se séparer de son mari. Assiste-t-on à la fin de l’insupportable présence obligatoire dans les séries d’une romance, sous prétexte que le personnage principal est une femme ? Ces mêmes codes conditionnent beaucoup de téléspectateurs puisque certains sur la toile réclament à cor et à cri une histoire d’amour avec le petit nouveau Finn Polmar. Cruels, dans l’un des meilleurs épisodes de la saison, les scénaristes nous font croire à un rapprochement entre Alicia et un juré qu’elle sabordera très vite, ultime pied de nez des scénaristes qui nous disent en substance : c’est cela que vouliez ? Et bien non, Alicia est en deuil et puis elle est très bien toute seule. Bref, il va falloir réapprendre à se méfier des King !

La troisième innovation cette saison, c’est la prise de pouvoir de la partie feuilletonnante sur « l’affaire » de chaque épisode. Il n’y en a quasiment aucun qui respecte la trame habituelle (réception du client / enquête / sauvetage du client), évitant ainsi l’effet Dr House. D’ailleurs, en fin de saison, Alicia ne met quasiment plus les pieds dans une cour de justice. La révélation finale, qui voit Eli proposer à Alicia de se présenter comme procureur général, va dans ce sens. Les créateurs n’ont jamais caché qu’ils s’étaient inspirés d’Hillary Clinton pour le personnage d’Alicia Florrick, et c’est peut-être pour cela qu’est née l’idée de la faire entrer en campagne, suivant l’évolution de la saison 5 vers moins de procès et plus de politique, évolution radicale pour une série judiciaire ! Verra-t-on aussi la noble Alicia se confronter aux problématiques du pouvoir, allant chercher des thématiques modernes vues dans des séries comme Borgen ou Les hommes de l’ombre ? La verra-t-on affronter son mari, renouvelant et complexifiant encore les rapports qu’ils entretiennent ? C’est tout ce qu’on découvrira dans la saison 6.

Petits bémols cependant, dans ce grand nettoyage de printemps, on a parfois l’impression que tout avance trop vite, et on aimerait s’appesantir plus longuement sur certaines situations, prendre le temps de faire le point. L’avancée radicale d’Alicia vers l’affirmation de soi prend parfois le pas sur le traitement de certains personnages secondaires (la saison manque grandement d’Eli). Attendez-vous donc à un peu de frustration qui risque de vous forcer à regarder une deuxième fois la saison 5 au calme. De toute façon, franchement, qu’aviez-vous de mieux à faire cet été ?

http://www.cinematraque.com/2014/06/alicia-florrick-distribue-des-fessees-the-good-wife-saison-5/

Saison 6 - Première partie :

A la fin de la saison 5, le couple King nous avait donné beaucoup de bonheur grâce à ses intrigues, jouant sur la surprise permanente et les montagnes russes émotionnelles. L’absence de temps morts avait pour but de ré-inventer les personnages et de les garder constamment en mouvement. Cette saison posait une seule et unique question : la série va-t-elle réussir à faire aussi bien la prochaine fois sans se répéter ? Avant la trêve hivernale, on peut déjà entrevoir la réponse. Et bonne nouvelle, c’est oui.

Alicia, en ce début de saison 6, prend la décision de se présenter pour devenir procureur. Parallèlement, nous suivons le procès de Cary qui est sous le coup d’une enquête cherchant à déterminer s’il a, oui ou non, aidé ses clients, barons de la drogue, dans leurs activités. A partir de là, l’intrigue va se recentrer sur ces deux trames : l’élection d’Alicia et le procès de Cary. Exit les affaires des clients présents normalement dans chaque épisode ainsi que les histoires de bureau. Le drama prend le pas sur le procedural et la politique sur le droit, donnant une nouvelle orientation à la série. Si Alicia Florrick abandonne quasiment la pratique du droit pour mener sa campagne, Cary quant à lui n’affronte plus la loi comme un professionnel mais comme une victime. Sa potentielle condamnation nous concerne personnellement car nous jouons là-dessus l’existence même de ce personnage dans la suite de la série. Le message des scénaristes est assez fort sur la question de relativité du droit notamment dans le dernier épisode qui va condamner Cary. On y voit la manière dont les décisions sont prises selon l’humeur des uns et des autres. Même si dans un tribunal le droit a une valeur immuable et doit être rationnel vues les conséquences qu’il peut avoir sur le cours d’une vie, il suffit pourtant qu’un juge souhaite partir plus tôt que prévu pour qu’un jury soit mal choisi. Et le spectateur de trembler à la vue de la légèreté avec lequel on scelle le destin de son personnage. Par ce procédé, on redonne du poids et de la force aux décisions de justice, qui en avait un peu perdu par la répétition des cas, et on réinterroge les saisons précédentes : le droit à appliquer change-t-il selon le côté où on se trouve ? N’avons-nous pas, par l’intermédiaire des personnages principaux, pris un peu à la légère la loi parce qu’elle était traitée sous l’angle du travail et non du point de vue de ceux qui la subisse ?

Changer la perspective du spectateur sur des situations déjà rencontrées semble être un vrai leitmotiv cette saison. Notamment avec l’introduction d’un nouveau personnage, Ramona Lytton, the new Good Wife. Elle est l’exacte réplique d’Alicia Florrick : récemment divorcée, elle doit revenir au travail après un passage à vide et y parvient avec difficulté grâce à un ancien amour qui deviendra très vite un nouvel amant. Difficile de ne pas voir le miroir de la relation entre Alicia et Will. Pourtant nous n’adoptons pas le point de vue de celle qui vit la situation et doit se battre, comme c’était le cas lorsque nous suivions Alicia, mais celui de la rivale. Identification oblige, nous ne pouvons nous empêcher de ressentir de l’animosité et de juger moralement les actes de Ramona qui a pourtant le même parcours que notre héroïne, même si, contrairement à elle, nous sommes capables de voir l’évidente similarité des situations. Ce renversement nous fait réfléchir à nos jugements : sommes-nous plus prompts à condamner ceux qui n’entrent pas dans notre champ de vision ? Ou alors si nous pensons que ces actions sont mauvaises dans un cas, ne le sont-elles pas dans l’autre et notre personnage fétiche a-t-il vraiment, comme nous le pensions, la droiture morale qu’il ambitionne ? Vertu qui est d’ailleurs remise en question à partir du moment où Alicia entre en politique. Même si elle tente de se mettre d’accord avec son adversaire pour faire une campagne « propre », lorsque les choses deviennent plus ambiguës, elle laisse faire à son équipe le sale boulot sans s’y opposer, en pure hypocrisie. Le petit drama de CBS, en changeant la perspective du spectateur sur les éléments de base de la série, introduit la notion de relativité des valeurs, que ce soit pour la justice, la politique ou la morale, se teintant d’une ironie nouvelle, d’une plus grande noirceur, tout en intensifiant sa part dramatique.

Bien sûr tout n’est pas parfait et les faiblesses résident dans la difficulté à faire évoluer certains personnages stéréotypés, dont Kalinda est le meilleur exemple. Cantonnée à son rôle de bad-ass, elle est engoncée dans le cuir et les mêmes hésitations depuis cinq saisons. Le retour de la petite start-up dans les bureaux de la boîte qu’ils avaient quittés (et donc, le retour dans les mêmes décors) est un pas en arrière confortable, facile et peu crédible. Et puis mauvaise nouvelle pour les amoureux de la surprise, les fans romantiques ont gagné puisqu’une relation avec Finn Polmar semble inéluctable. Comme si Alicia, après un court deuil, était dans l’obligation de trouver quelqu’un d’autre à aimer sous peine de manquer de sel, même si ce rapprochement est orchestré avec distance et humour.

Pour conclure, si ce début de saison 6 est parfaitement à la hauteur, c’est parce qu’en regardant d’un autre point de vue les mêmes ingrédients qui ont fait le succès de la série, les showrunners combinent parfaitement plaisir de retrouver ce qu’on aime sans tomber dans la routine. Une nouvelle question s’impose : The Good Wife réussira-t-elle à ne jamais nous décevoir ?
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6
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le 10 juin 2014

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