Amateur de l'univers du Witcher, ayant lu le premier livre et joué aux trois jeux, j'ai été, comme beaucoup, enthousiasmé d'apprendre que Netflix préparait une série ayant la prétention d'aller rivaliser avec le mastodonte Game of Thrones sur son terrain : la fantasy adulte à grand spectacle. En témoignent la tête d'affiche, Henry Cavill, et le budget moyen par épisode, qui, parait-il, tourne autour des 10 millions de dollars (comparable donc à GoT). Ainsi que le matériau de base, qui dispose d'un univers sombre et étoffé, et surtout d'une fan-base conséquente.
La série sort donc en 2019, je la regarde aussitôt... et lâche au bout de cinq épisodes. Il m'aura fallu attendre plus d'un an pour que je m'y remette mollement, à la faveur d'une pause entre deux séries. Comment expliquer cette débandade ?
Beaucoup d'aspects de la série ne m'ont pas emballés, comme par exemple Cavill, trop lisse à mon goût (j'aurais bien vu une "gueule" comme Madds Mikkelsen, qui aurait campé un sorceleur plus sauvage et dangereux, un peu dans la veine Valhalla Rising, 2009), ou encore l'arc narratif de Ciri, qui, je trouve, n'est pas passionnant. Mais ce sont presque des détails à côté de mes deux griefs principaux : le découpage de la série et son identité.
Parlons tout d'abord du découpage. On suit de manière générale trois personnages, Geralt, Yennefer et Ciri, qui ont chacun leurs aventures plus ou moins indépendamment les uns des autres. Le hic est que temporellement, cela n'a aucun sens. Les scénaristes nous font faire d'incessants allers-retours dans le temps, et ce sans nous prévenir ni que ce soit évident (Geralt et Yennefer ne vieillissant pas). Cela a pour effet de laisser la chronologie de l'univers ivre morte dans un fossé, et aussi de rendre difficile l'empathie pour les personnages. C'est pour ça que j'ai lâché l'affaire si longtemps : je n'en avais rien à faire de ce qui pourrait bien leur arriver.
L'autre soucis majeur est celui de l'identité de la série. Elle est complètement ratée : l'univers parait superficiel, on est toujours dans une sorte de flottement sans savoir vraiment où (et quand) l'action se situe, à moins que l'on nous le dise explicitement (et encore, ça éclaire pas toujours des masses). En effet, tous les décors se ressemblent et sont d'une médiocrité à pleurer (intérieurs nus, tantôt en bois, tantôt en pierre avec un brasero dans un coin et c'est tout, extérieurs dans une pampa quelconque).
C'est renforcé par le fait qu'on n'a que très peu d'"establishing shots", ces plans larges, souvent des vues aériennes, pour situer l'action et planter le décor, ainsi que par la décision un peu étrange de filmer souvent avec une relativement faible profondeur de champ, qui rend les arrières plans légèrement flous. Cela dit, je me demande si c'est pas fait exprès pour servir de cache misère, car souvent les effets spéciaux sont complètement ratés, avec des textures risibles dignes d'une xbox 360. On se demande où est passé leur budget faramineux !
Du coup, l'esthétique mal définie et un peu cheap m'a fait parfois penser aux séries nanardesques des années 90 que sont Hercule et Xena : Princesse guerrière. Commes références, on est bien loin d'un Game of Thrones ou d'un Seigneur des Anneaux ! Dans ces derniers, on pouvait savoir au premier coup d'oeil si on était à Winterfell, à King's Landing, à Essos, au Gondor ou au Rohan...
C'est dommage, car certains arc narratifs dans certains épisodes se laissent parfaitement regarder. The Witcher est une série dont, malheureusement, le tout est inférieur à la somme des parties. Malgré tout, il est des raisons d'espérer pour la saison 2. En effet, en dépit d'une fin pas spécialement engageante car un peu random, nos protagonistes sont enfin réunis, ou presque. On peut donc espérer y voir un peu plus clair à partir de maintenant. Et si l'action est plus compacte, peut-être s'appliqueront-ils d'avantage dans les décors ? Qui sait...
Bref, sans être un ratage complet, The Witcher est plus proche de la qualité d'un Tabouret de Bois que du Trône de Fer. En attendant que les saisons ultérieures relèvent le niveau.