Urgences
6.2
Urgences

Série NBC (1994)

Hyperréalisme, traumatismes à la chaîne, blessures corporelles et psychologiques parfois déjouées, réflexions authentiquement touchantes, acteurs en état de grâce, rythme grisant, musique électro-choc, Urgences a tout d’une série médicale dramatique réussie et de haut vol. Expériences de vie dans un hôpital décharné : c’est tout le quotidien des urgentistes et leurs questionnements professionnels, familiaux, amicaux, amoureux, spirituels et leurs contradictions qui est mise en avant dans un enjeu choral, pour ce qui ressemble à une grande parade humaine. La série a le tort de s’être étiolée au fil des saisons, mais il serait injuste de la mésestimer. En interrogeant les personnages sur leurs ambitions respectives et leurs états d’âmes, la série réussit à trouver son identité avec ses pathologies diverses, ses tensions dans la hiérarchie, ses dysfonctionnements du système, son suspens enivrant, son appétit pour la vie sans qu’il soit immodéré, son abnégation et son sens du sacrifice quand la mort se profile à l’horizon.

Sur la forme, la série sait être percutante avec son habile utilisation de la steadicam, de longs plans séquences où chaque mimique semble avoir été choisie avec la plus extrême des exigences (avec des acteur qui savent jouer des états de crises), et son adrénaline redoutablement efficace.

Urgences peut parfois ronronner mais sait se renouveler via ce qu’on pourrait définir comme des épisodes ultras chocs. Que ce soit le destin chaotique de Mark Greene, avec ses doutes, ses espoirs et ses désillusions avant un final bouleversant ; l’épisode magistral « Les eaux de l’enfer », qui se focalise sur le sauvetage par Doug Ross d’un enfant pris au piège dans un conduit d’évacuation où l’eau monte graduellement ; les focus sur les catastrophes de grande ampleur… tout a été fait dans un souci de maîtrise de la dramaturgie avec un réapprovisionnement permanent des enjeux et des objectifs.

Vient ensuite ce qui habille les saisons de tensions habiles et efficaces, les fameuses performances de guest-stars ; des épisodes souvent saisissants, innovants et réussis : citons ceux avec Ewan Macgregor (haletant, envoûtant avec une prise d’otage dans un magasin qui tourne mal), Forest Whitaker, qui est admirable, dans une expérience qui est double (à la fois inquiétant et émouvant), ou Ray Liotta, mourant, magnifique quand il demande à une infirmière de lui caresser son visage acéré et coupant, marqué par sa vie d’alcoolique, à la recherche d’une rédemption, le tout dans un format qui imite du temps réel et nous expose superbement les prémisses d’une expérience de mort imminente (l’acteur sera récompensé d’un Creative Arts Emmy Awards pour cette prestation.)

Sur les différents thèmes abordés, la série sait éviter le manichéisme et l’angélisme notamment au sujet du racisme, sans éviter de souligner qu’il y a des discriminations dans le milieu hospitalier où les noirs sont sous représentés. Le docteur Benton (qui est noir), reconnaît avoir des réticences à sortir avec une blanche. Dans une optique similaire, la violence des ghettos nous est exposée sans fioriture, notamment dans un épisode brillant où Abby est enfermée par des jeunes noirs dans une voiture, forcée à secourir l’un des leurs après un récent règlement de compte entre ce qu’on suppose être des bandes rivales.

A cet égard, on peut noter des épisodes remarquables qui se situent en Afrique, au Darfour, pour mieux sensibiliser le téléspectateur à l'immense détresse des populations dans l'ouest soudanais, où le conflit politico-ethnique a déjà fait des centaines de milliers de morts et déplacé des millions de personnes. Particulièrement bien filmés et montés, magistralement interprétés par Noah Wyle, ces épisodes exotiques sont pleins de frictions qui laissent dans un état de stupéfaction, entre les différents drames et les problèmes qu’on ne peut résoudre qu’avec peu de moyens.

Détonation, sociologie, administration, sang, destin, métaphysique, tragédie, catastrophe, réenchantement, le champ lexical du film évoque une réalité brute et sans partis pris grossiers. C’est une permanente leçon de vie.

OkaLiptus
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le 29 mars 2023

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Oka Liptus

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