Warrior Nun
5.6
Warrior Nun

Série Netflix (2020)

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Quand j'ai commencé Warrior Nun, j'étais assez intrigué. Ce n'est pas la première fois que Netflix traite de religion. Ce n'est pas la première fois qu'ils traitent de SF. Mais allier les deux... c'est un mélange assez rare. Seule la trilogie "Da Vinci Code" me vient à l'esprit, et encore ce n'est que de la SF assez légère, pas du tout fantastique. Cette série m'intriguait donc pas mal. D'autant plus que comme je suis catho et fan de SF, bah... le pitch de départ me plaisait bien.


Commençons donc par un pitch un peu plus détaillé :


Ava est une jeune fille quadraplégique qui a vécu toute sa vie dans un orphelinat, sous l'emprise d'une nonne assez sévère. Ayant atteint sa majorité elle était sensée sortir de l'orphelinat, sauf qu'elle meurt de circonstances étranges juste auparavant. Son corps est entreposé dans une crypte et la nuit même une troupe de nonnes combattant des démons fait irruption dans cette crypte, pourchassées par des mercenaires. Shannon, une des nonnes est alors la "Warrior Nun" : une nonne qui possède un "halo" dans son dos (une sorte d'auréole d'ange). Mourante, elle demande aux autres nonnes de transmettre le halo à la future Warrior Nun. Le halo lui est donc enlevé, mais les mercenaires font irruption à ce moment là, et la nonne transportant le halo décide de le cacher dans le corps d'Ava. Ava est alors contre toute attente ressuscitée des morts, et retrouve l'usage de ses membres miraculeusement. Dans un accès de panique elle s'enfuit dans la ville.


Dans la suite de la série on va suivre d'un côté Ava qui va découvrir la vie, en trouvant des amis dont un garçon avec qui elle va découvrir l'amour, et de l'autre côté on suit les nonnes qui en réalité forment l'Ordre de l'épée Cruciforme, et qui ont besoin de leur Warrior Nun afin de combattre les forces du mal.


Jusqu'alors : pourquoi pas. On a quelques thématiques intéressantes : la foi déjà (qu'est-ce qui fait que certains croient et d'autres non ? Un miracle suffit-il à croire ? L'absence d'un miracle injustifie-il la foi ? Quel est le rapport entre la religion et l’institution religieuse ?). Ensuite on a aussi un rite initiatique : Ava est présentée comme n'ayant rien pu faire de sa vie, étant paralysée. Elle va donc tout découvrir. Autre thème intéressant : la confiance. Sans entrer dans des spoilers, Ava se fait trahir au début de la série, ce qui la pousse à avoir du mal à prêter sa confiance. Il en va de même avec les autres personnages qui ne font confiance à pas grand monde. On a aussi le thème de la paternité évoqué au travers de la scientifique Jillian Slavius, qui tente de créer un portail vers le paradis pour sauver son fils, gravement malade. Enfin la thématique principale selon moi c'est les combats classiques de justice sociale de Netflix : un féminisme qui passe par une groupe de jeunes femmes fortes, une critique du patriarcat de l'Eglise, et un soutien (léger mais existant tout de même) à la cause LGBT.


Cependant voilà, le scénario gâche un peu tout. J'ai moi même un peu d'expérience en écriture de scénario, ayant réalisé quelques films avec des amis au lycée, et Warrior Nun tombe dans le piège fondamental dans lequel je tombe tout le temps moi aussi : la simplicité d'écriture.


Pour faire simple prenons un exemple classique : Inception. Bien que le film soit réputé pour être complexe (ce que je n'ai jamais compris d'ailleurs), il est très simple à suivre pour un spectateur : un homme peut infiltrer des rêves pour voler des idées. Il est engagé pour cette fois implanter l'idée à un riche héritier de dissoudre l'entreprise familiale. Sauf que pour cela il faut remonter profondément dans l'inconscient, et donc lancer plusieurs rêves dans le rêve.
Cette structure est assez simple, sauf que la manière dont elle est construite est extrêmement recherchée : tout un ensemble de règles s'ajoutent à la diégèse des rêves, permettant de construire tout un monde parfaitement cohérent. En somme : chaque élément de scénario est construit de façon à ce que le spectateur trouve le film cohérent.


Dans Warrior Nun, on a un scénario qui est distillé au travers de 10 épisodes de 45 minutes. Ainsi on est sensé avoir du temps pour développer des vrais arcs narratifs. Le problème, c'est que ce n'est pas le cas. Il y a une intrigue principale, et des intrigues secondaires. Et le GROS problème, c'est qu'à la fin on se rend compte que la plupart des intrigues secondaires n'ont servi strictement à rien. (détails en partie spoiler)


Premier arc inutile : le récit initiatique d'Ava.

Pour cet arc, c'est extrêmement flagrant : après être revenu à la vie elle se balade dans la ville tentant de découvrir un peu la vie. Elle tombe sur une maison qui est occupée de squatters, qui l'accueillent dans leur groupe. Ils l'initient à la vie de jeunes adultes en l'emmenant en soirée et elle commence à tomber amoureuse de "JC" (certainement une référence à Jésus Christ, mais sans que ça ait réellement de sens), avant que l'Ordre tombe sur elle et la kidnappe. L'Ordre commence à l'initier à leurs pratiques et leur histoire, mais Ava s'enfuit pour aller retrouver JC avec qui elle commence à barouder sur les mers. Quand soudain un monstre apparaît, les attaque, et Ava se fait sauver par Lilith, une nonne qui se sacrifie pour elle. Et ensuite... plus rien. On n'en parle plus. On ne sait pas ce que la liberté a apporté à Ava, en quoi ça l'a fait grandir, non rien. Et cet arc a duré quand même 5 épisodes soit la moitié de la série !


Deuxième arc inutile : celui de la parenté de Jillian.

Cette dernière est une scientifique qui est en guerre contre le Vatican. En effet, pour construire son portail vers les Cieux qui sera sensé sauver son fils, elle utilise un métal : le Divinium, qui est sacré pour l'Eglise car il provient du bouclier de l'ange Adriel, l'ange qui a "créé" la première Warrior Nun en lui donnant son auréole. Jillian est initialement présentée comme la grande méchante (d'après le cardinal Duretti son portail s'ouvrirait sur les Enfers en réalité), mais dès que ses motivations deviennent claires elle devient soudainement gentille et aide Ava dans son aventure. A la fin on se rend compte que le portail est maîtrisé par Adriel qui est en réalité un démon, que le fils de Jillian était manipulé par lui, et le fils disparaît dans le portail sans qu'on sache ce qu'il advient de lui. Encore une fois si on étudie l'intérêt de cette intrigue par rapport à la progression des personnages... eh bien c'est nul : l'arc n'a servi à rien si ce n'est occuper un peu de temps.


Alors oui d'accord la série a été conçue pour avoir une suite, donc peut-être que tout cela aura un sens dans la suite. Mais dans la série telle qu'elle est actuellement, on a passé plusieurs épisodes sans avoir l'impression que ça ait servi à quoi que ce soit.


L'autre gros problème c'est que les motivations et les caractérisations des personnages changent sans qu'on comprenne vraiment. C'est là où on voit à quel point l'écriture est "enfantine" :
par exemple, le père Vincent est présenté depuis le début comme le prêtre le plus correct possible. Il s'élève contre l'injustice du cardinal (et donc l'autorité suprême de l'Eglise), sauf qu'à un moment les personnages ont besoin d'une carte disparue, et là un gros plan sur son visage : "Je crois que je peux aider" déclare-t-il et on apprend alors son passé de mafieux. "Comme par hasard !" j'avais envie de crier devant mon écran d'ordinateur (ça aurait été ridicule du coup je l'ai pas fait). C'est un processus d'écriture digne d'un enfant : les personnages sont ce qu'ils sont parce que le scénario a besoin qu'ils le soient : c'est un énorme Deus Ex Machina (comique venant d'un prêtre).


Cela étant dit, quand à la fin on comprend qu'en réalité Vincent travaillait pour le démon Adriel, cela devient un peu plus explicable, mais ça reste tout de même très gonflé de la part des scénaristes d'être autant flemmards


Je ne vais pas non plus m'éterniser sur tous les détails de scénario qui font que le scénario se déroule mal mais dans l'ensemble on pourra garder l'idée que beaucoup de défauts sont liés à des simplicités d'écriture. Comme je l'ai dit plus haut, l'erreur fondamentale qu'ils ont fait est dans le processus d'écriture : ils ont voulu faire un scénario trop complexe, rajoutant donc des arcs inutiles, modifiant même des personnages en cours de route.


Cela étant dit, j'ai plutôt apprécié le twist final : non seulement il est plutôt logique (vu certains choix de la série ils auraient aussi bien pu faire totalement n'importe quoi, ça aurait pas été si choquant à ce niveau là). De plus comme je l'ai dit au début, je suis catholique et venant de Netflix, j'avais peur qu'ils ne fassent qu'accabler l'Eglise et la religion, alors qu'en réalité, s'ils la questionnent souvent, et parfois lui donnent un rôle d'antagoniste, elle est traitée de manière plutôt neutre : présenter des nonnes "badass" comme ils le disent, c'est tout de même plutôt amusant, sans parler du fait que les protagonistes sont pour la plupart croyant.


On croit pendant un moment que l'Eglise et le cardinal Duretti sont les vrais méchants de l'histoire, et on nous explique initialement que l'Eglise avait enfermé les os d'Adriel (qui seraient le point d'ancrage des démons vers le monde) afin de conserver des démons dans le monde et de pouvoir gouverner par la peur. Je trouvais ça moyennement acceptable puisque diffuser ce genre d'idées revient à entretenir dans l'esprit des gens l'idée que le Vatican pourrait comploter pour maîtriser ses 1.2 milliards de fidèles. Cependant, on apprend finalement que l'Eglise a au contraire tenté de protéger le monde en enfermant Adriel, du coup au final il n'y a pas vraiment de mauvaise idées qui sont diffusées.


Maintenant que j'ai parlé du fond, parlons de la forme ! (plus rapidement ok)


Déjà j'ai énormément apprécié le fait qu'ils poussent le côté "espagnol" à fond. Certains personnages n'avaient pas vraiment besoin d'avoir l'accent et pourtant ils ont joué le jeu à fond, si bien que j'ai cru pendant un moment que la série était vraiment originaire d'Espagne.


De manière assez classique pour du Netflix aussi, on a une très grande qualité de production : bons acteurs, bonne réalisation, belle photographie (certaines scènes d'églises sont vraiment visuellement magnifiques !), effets spéciaux très bons. Le seul point qui m'étonne un peu sont des petites erreurs de montage ou de réalisation de temps en temps, comme par exemple la fin du dernier épisode, qui finit sur un plan vraiment très peu intéressant (surtout dans la manière dont c'est filmé) pour un cliffhanger. Sur cette fin on finit donc pas un enchaînement assez rapides de plans et un dernier plan qui dure moins d'une seconde. De mon côté pour induire un cliffhanger j'aurais préféré justement finir par un long plan séquence d'une dizaine de secondes...


Voilà du coup c'est tout pour Warrior Nun ! Comme expliqué dans le titre la série est selon moi assez inégale, puisqu'on arrive aussi bien à passer un bon moment devant, que d'être perdu parfois par ses intrigues et personnages, la réalisation étant généralement bonne mais parfois incompréhensible dans ce qu'elle souhaite montrer...

Selxis
5
Écrit par

Créée

le 17 août 2020

Critique lue 1.1K fois

Selxis

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