Les meilleurs livres d'Edgar Allan Poe selon Verv20

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• Scènes d'horreur [2/2]

Les premières lignes sont le récit, vu à la première personne, d'une plongée dans les couches successives des limbes ; les doigts cadavériques du narrateur s'accrochent aux différents voiles mortuaires qu'ils déchirent. Quand tout à coup, une bouffée d'air – vicieux.
Poe donne sa voix à un hérétique supplicié qui décrit dans un spasme traumatisé ses châtiments. C'est une prouesse de style, qui se confronte au sentiment de la peur, pour en décrire la construction brusquée, sans jeter de fumée – alors qu'on aurait bien pu s'y attendre, en lecteur habitué des circonlocutions arides de Poe.
L'horreur s'installe, jamais banale, et suinte de cette nouvelle. Elle sonne comme un cruel jappement de rire qui hoquette dans des hurlements terrifiés.

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• Obsessions et fascinations [4/4]

Mélanges de ratiocination documentaire à base de faits-divers, et de vraies peintures de l'horreur d'être enterré vivant. Poe jette une fois de plus son regard sur le rite d'inhumation, et y révèle la peur rejetée de la mort, en en organisant le réveil angoissant, six pieds sous terre.
Cette nouvelle va chercher au plus profond de son style pour ne laisser que pressentir l'angoisse finale, d'autant plus vigoureuse. Un cadavre s’apprête à poser ses doigts décharnés sur notre épaule.

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• Obsessions et fascinations [3/4]

Dans le regard d’un maniaque ; un impressionnant exercice de style. L’attention est rivée sur l’infime détail, avec une nervosité, une crispation intense du lexique, qui ne laisse pas d’alternative à l’immersion dans le souffle court du narrateur.
La lutte qui a lieu sous les yeux du lecteur est des plus inquiétantes. La figure de l’ennemi est ramenée à celle du seul « œil de vautour » ; celle de l’anti-héros pourrait être comprise comme une seule oreille extra-lucide. On aurait donc une lutte des sens, l’un prédateur de l’autre, ne pouvant que coexister dans une terreur mutuelle et fratricide, même après la destruction.

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• Récits de la mer [2/3].

La parole âpre du pêcheur des Lofoten rencontre la fumée jaunâtre des scrutations intriquées du géographe. L'aventure et son horreur hurlent, mais quand elles sont racontées par Poe, elles tombent dans l’oreille de son narrateur comme des éprouvettes à analyser. De là un flux rythmé et détraqué, mis en suspens chaque instant par ces très originales réflexions du naturaliste, véritablement à mi-chemin entre un savoir méthodique et une synthèse d'on-dit.
L’interprétation courante de ce texte comme une piste liminaire à la science-fiction est franchement intéressante. Le champ des perspectives s'ouvre lors d'une relecture sous ce jour-là.

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• Scènes d'horreur [1/2]

Le cadre est à la fois très proche et très lointain des tables tournantes du romantisme noir. Il en partage à plein les intérêts, mais sous un regard tout à fait décalé, celui de Poe en enquêteur, en médecin légiste.
Tout à coup le fantastique brise la glace du rapport, dont la véridicité a été longuement appuyée – dès le titre d'ailleurs. Un spectre entre par la fenêtre et reste dans l'air ; c'est l'horreur qui s'installe, en quelques lignes finales : « tout son corps, — d’un seul coup, — dans l’espace d’une minute, et même moins, - se déroba, - s’émietta, - se pourrit absolument sous mes mains. Sur le lit, devant tous les témoins, gisait une masse dégoûtante et quasi liquide, - une abominable putréfaction ».
La proposition est brutale, et brillamment accomplie.

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• Gothicismes [4/4]

Poe place cette nouvelle tout à fait dans la gamme des récits d’obsessions, dès les premières lignes : le narrateur annonce sa marche implacable vers la vengeance par le meurtre. L’ambiance qui en découle est proprement terrifiante, troublée encore par le « grotesque » du carnaval qui arpente les rues la nuit tombée, et par l’enfièvrement, l’enivrement de la victime, Fortunato, par les flammes imbibées qui se lisent au creux de ses yeux.
Quand la proie et le prédateur s’engagent dans les cryptes où est prétendument caché le fût qui appâte Fortunato, les menaces se font de plus en plus explicites : les ossements empilés partout sont ceux du lignage des Montrésor – nom-miroir de Fortunato –, et l’assassin ne cache même plus la lame avec laquelle il supprimera son rival. Ainsi est racontée la dernière procession rituelle d’une victime d’un sacrifice, dont le gothicisme force sur la noirceur comme rarement chez Poe.


Découvert en novembre 2018, relu en mai 2020.

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• Obsessions et fascinations [2/4]

Quand un monde périclite et s'effrite dans une violence sale, le sentiment de culpabilité sourd à la surface, et nappe l'entièreté des choses. Le narrateur du "Chat Noir" y glisse, s'y embourbe, tandis que son attention reste rivée sur un félin, miroir de sa déchéance.
Les yeux jaunes de ce chat vous clouent sur place ; on sait quelle place ils occupent dans l'imaginaire collectif depuis Poe. Le récit fait son chemin, aigu ponctuellement, assez typique des narrations de Poe, entre considérations critiques, et jetées de fumées en détails.

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• Chasse au trésor [1/1]

Une enquête épurée aux atours des plus simples, pourtant colorée d'éléments forts qui ont d'ailleurs marqué dans une bien plus forte mesure que celle à laquelle on est aujourd'hui sensible, à l'heure de sa première publication. Stevenson notamment, et d'innombrables auteurs (dans tous les arts) dont les noms s'effacent parfois sous le genre qu'ils pratiquent, ont revendiqué l'empreinte de Poe.
La structure du Scarabée d'Or a de quoi surprendre. Le dénouement se situe en son centre géométrique ; toute la deuxième moitié est une explication des réflexions qui ont mené aux actions déjà advenues, autour du décryptage d'une carte au trésor. Le lecteur est investi, tout en étant fermement guidé, et propulsé vers des horizons inattendus au commencement de sa lecture : naturalisme du XIXe, pirates du XVIe, mais aussi racisme de l'Amérique contemporaine à l'auteur...

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• Gothicismes [3/4]

En un grand tableau, Poe peint à grands coups l’essentiel des personnages et des décors fantastiques du romantisme noir – qui a par ailleurs beaucoup à voir avec Shakespeare. Le gothicisme du fort dans lequel le prince Prospero et ses mille courtisans se sont confinés construit, au fil d’une description qui prend son temps, une angoisse subreptice.
Le dénouement prend brusquement une allure allégorique ; on dirait lire le récit d’une épiphanie d’un dieu noir, qui fait tomber les masques, et met à nu, comme les chairs à vif, cette « belle société », avec l’affront supplémentaire de la dépouiller au cours du plus excentrique de ses bals costumés.

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• Enquêtes d'Auguste Dupin [1/3].

Nouvelle fondatrice de la fiction policière occidentale, la "Rue Morgue" installe le cadre et les enjeux de cent ans d'une certaine littérature de genre. Le texte tâtonne, témoigne de la jeunesse d'une narration pas encore défraîchie, et sa lucidité, placée face au contexte historique de sa conception, et proprement abasourdissante.
De ce fait, cette nouvelle porte les traits qui empêchent mon attirance pour Conan Doyle : des aristos débauchés, auxquels le fil du récit ne laisse jamais l'occasion de se faire clouer le bec par cette rue qu'ils dominent sans conteste, en colonisateurs, dissecteurs monstrueux.

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• Gothicismes [1/4]

Autant manifeste esthétique qu'exercice de style, Ligeia est une expression explicite de la recherche de Poe vers les nouvelles sources du gothique. Il est ici question d'une lutte vampirique – au sens propre – entre le classicisme méditerranéen et le romantisme rhénan-saxon. Tout y saisi en une poignée de mots, chaque notion placée face à un miroir déformant, pour refléter son monstre-sublime-rival.
On s'y perd d'ailleurs un peu, croyant parfois lire des pages d'un essai sur l'art d'à l'époque ; l'instruction se fait aux dépends du rythme, mais le caractère liminaire de cette "mise en atmosphère" est admirable.

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• Gothicismes [2/4]

Dans la gamme des lentes peintures de l'horreur chez Poe, cette nouvelle claustro-phobique est une réussite. Le narrateur mène son lecteur dans l'épave d'un lignage, et ne parvient plus à en détourner son regard d'abord critique, terrifié jusqu'à l'affolement plus tard, avant la crise finale.
Comme souvent dans ces textes liminaires, on se croit en présence de littérature de genre, alors que les enjeux et l'esthétique ne prennent leur consistance que petit à petit, et encore avec hésitation sous la plume de leur auteur. On pourra ainsi douter de l'intérêt de certaines digression de "The fall of the House of Usher", qui constituent pourtant la plus grande partie du récit.

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• Grotesque [2/2]

Je range difficilement cette nouvelle-ci dans la catégorie des nouvelles "grotesques" de Poe. En effet, la satire, à la fois de l'égyptomanie et du progressivisme scientiste de l'époque est fine, très légère. Au point que l'on pourrait croire à une vraie adhérence de Poe au sujet... Mais le dernier paragraphe, sa rupture de ton (le narrateur dépité de son siècle, lance un appel à être embaumé vivant pour traverser les époques et se réveiller en un temps moins médiocre), la font selon moi basculer carrément du côté de la farce.
J'y ai aussi éprouvé une forte curiosité pour la mise en fiction assez brute – parce que contemporaine, et sans distanciation – de l'histoire scientifique du XIXe siècle. Les traits stylistiques de Poe y paraissent clairement, quand on est accoutumé à d'autres approches, plus académiques, du sujet : le tout est paré d'une aura kabbalistique, des ombres d'une religion à mystère, de l'ambiance générale des tables tournantes romantiques... Un important témoignage en creux d'une certaine société dans son époque.

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• Obsessions et fascinations [1/4]

À mi-chemin entre les tableaux gothiques de la fin des années 1830 et des contes de ratiocination ultérieurs, "The Man of The Crowd" semble mettre en scène un conflit intérieur d'une sorte de schizophrène se poursuivant lui-même (ce n'est pas sans rappeler "The Tell-Tale Heart").
Un obsessif poursuit un toujours-fuyant, qui se mêle à la foule sans jamais sentir la proximité des autres. Peut-être tâche-t-il de s'y dissoudre pour s'y oublier, mais il est poursuivi par le regard sentencieux du narrateur (son propre jugement ?), qui n'a en effet nul autre reproche à lui faire que l' "absolute idiosyncrasy" de son expression (la culpabilité ?).
La nouvelle reste pour moi couverte de bien des mystères ; et c'est bien quelque chose que je cherche, parfois, dans mes lectures.

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• Enquêtes d'Auguste Dupin [2/3].

À rebours de la première énigme, qui construisait toute sa narration sur l'explicitation d'un document en lequel il prêtait une foi sans faille, "Marie Rogêt" est un implacable exemple de critique documentaire.
Il n'est pas tant question pour Dupin de trouver le criminel, mais bien plutôt pour Poe de mettre au jour les enjeux qui dirigent la plume du rédacteur de faits-divers. Indice de la nature politique de cette nouvelle : sa source est l'affaire Mary Rogers, en tout point semblable, mais dans un cadre new-yorkais plutôt que parisien.
La vigueur du style ne répond malheureusement pas entièrement à la profondeur du propos implicite : on est facilement assommé par la pesanteur de raisonnements à rallonge.

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• Enquêtes d'Auguste Dupin [3/3].

"La lettre volée" inaugure une nouvelle forme fondatrice du roman policier : le tour de force. Le crime est commis, la police en a compris toute la teneur, mais il manque un élément (ici, la restitution de la lettre volée), que le détective révèle aussitôt, à peine l'institution se plie à s'en remettre à sa grâce particulière.
Par nécessite du genre, le monologue est démonstratif et très pontifiant. Le détective ne sort même pas de son logis, il n'est jamais contesté, se permet tout le mépris et personne ne saura jamais le lui renvoyer. Difficile aujourd'hui d'être encore frappé par le bagou de Dupin sur une affaire aussi sommaire, tant le genre a été rincé. Sommaire ! mais, il faut le rappeler, fondatrice.

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• Vignette [2/3]

Comme les autres vignettes de Poe, leur concision ne me permet pas un investissement assez profond pour que j'en puisse vraiment saisir le sens. Là, c'est surtout le grand mystère, la grande ombre qui règne sur ces quelques pages qui m'ont interpellé, plus qu'ailleurs. Mais l'exotisme me semble une fois de plus un artifice qui reste à plat.

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• Récits de la mer [1/3].

Rien à voir avec les épopées marines de Conrad, où l'héroïsme de l'homme-esclave rompu fuse entre les éléments. L'atmosphère est ici beaucoup plus enfumée, dans la rencontre de deux fantastiques : celui des vaisseaux-fantômes, et celui beaucoup plus nerveux et approfondi, des obsessions d'un savant philosophe à moitié fou.
Très brève, la nouvelle ne semble pas choisir de direction. Cette fois, la réaction de dessèchement de la ratiocination opère à plein... et sans effets secondaires.

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• Récits de la mer [3/3].

De l’enquête à la révélation horrifiante, l' "Oblong Box" a le mérite de mettre en scène l’échec des investigations d’un narrateur trop confiant en ses capacités de déductions. La culpabilité douloureuse qui l’assaille dans les dernières lignes est inattendue, assez rafraîchissante.
Autrement, ni le cadre, ni le rythme, ni la figure du narrateur ne m’ont particulièrement parlé ; j’ai même souvent eu l’impression d’avoir croisé autre part, individuellement, ces éléments, et qu’ils avaient étaient assemblés là suivant les règles d’un pot-pourri bizarrement codifié.

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• Vignette [1/3]

Quelques pages pour à peine plus que l'évocation d'un thème esthétique : la mort venant rendre visite aux marins. La vignette fonctionne, sans originalité particulière. Son tirant prononcé pour la Grèce, je ne le comprends que peu, et ne le trouve pas spécialement riche dans le propos que se donne ce texte.

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• Vignette [3/3]

Cette nouvelle est une vignette : elle en a la concision et le resserrement de propos. Le sujet fantastique – le tableau aspirant la vie de son sujet, simple réécriture autour du motif du mythe de Pygmalion – est assez commun, et sa banalité lui retire tout son potentiel surprenant, laissant alors un texte assez oubliable, et qui se laisse même traîner à des digressions peu intéressantes.